A l’automne 2019, Helen Leigh était l’artiste en résidence Feral Labs au Catch, le Centre d’Art, design et Technologie d’Elseneur au Danemark. Helen Leigh travaille dans le champ des technologies créatives, avec un intérêt particulier pour l’électronique DIY et l’éducation. Son approche est ludique et créative avec la volonté de démystifier la complexité des technologies et de l’électronique.
Par Signe Häggqvist et Dare Pejić,
Durant sa résidence Feral Labs au Catch, Helen Leigh a travaillé sur le développement d’un nouvel élément dans sa série de créatures sonores, un projet en collaboration avec l’artiste sonore Andrew Hockey. Par ailleurs sa résidence lui a permis d’enquêter sur différents modèles économiques qui lui permettraient de gagner sa vie par sa pratique artistique et technologique. Une possibilité considérée était de faire de ses créatures sonores des kits DIY commercialisables, ce qui pourrait lui permettre de recevoir un revenu tout en permettant à des personnes de construire et d »expérimenter leurs propres créature.
Pouvez-vous nous dire comment vous êtes devenue hackeuse et makeuse ?
C’était un peu par accident, pour être honnête. Avant de devenir hackeuse et makeuse, je travaillais dans l’éducation. Moi et un groupe d’amis avons dirigé un cabinet de conseil pendant six ans qui militait pour l’apprentissage en dehors de la classe, pour l’enseignement de la pensée critique en classe, pour que les enfants apprennent à remettre en question les choses. Nous avons réalisé des projets pédagogiques de conception design et nous avons publié une série de livres qui ont eu pas mal de succès pour leur manière d’approcher l’éducation. Ils étaient très basés sur l’aspect ludique, très manuels, de manière à stimuler la curiosité. Un jour, quelqu’un d’Intel a lu l’un de nos livres et a aimé notre approche. Ils travaillaient sur un grand projet sur l’Internet des objets pour les écoles. Ils nous ont donc demandé si nous pouvions être intéressés à y participer.
Je suis allé à ce truc Intel et ce projet était hébergé dans un fablab, à l’intérieur d’un makerspace de Londres. Je suis entré et je me suis dit « OH, MON DIEU. Quel est cet endroit ? » Depuis ce jour, je travaille principalement dans des makerspaces. J’ai vite compris que ce genre d’espace me conviendrait totalement. J’ai vite compris que cela répondait à toutes mes attentes : apprendre en faisant à travers le ludique, la stimulation de la curiosité, l’itération et l’apprentissage pratique. Immédiatement, je me suis senti chez moi.
Les makerspaces sont des espaces éducatifs radicaux : par leur structure informelle et comme espaces décentralisés d’apprentissage entre pairs. Mon éducation est quelque chose dont je suis particulièrement reconnaissante auprès de la communauté des makers. Je n’avais aucune formation technique, mais maintenant je fais de l’électronique et j’ai une carrière technique. A travers ce réseau d’apprentissage informel j’ai pu au fil des années augmenter mes connaissances techniques.
Depuis lors, j’ai beaucoup travaillé. J’ai commencé par une formation de maker parce que je connaissais déjà beaucoup de choses sur l’éducation et la théorie de l’éducation et que je voulais joindre cela à mon nouvel intérêt. Une grande partie de mon travail est orienté pour les enfants, mais c’est principalement une fonction pour gagner ma vie. Il y a beaucoup d’attention portée aux enfants, comme il se doit. Mais l’apprentissage des adultes est quelque peu négligé et je pense que les makerspaces sont des endroits incroyablement puissants pour cela. Ils créent ces systèmes où les adultes, peu importe leur âge et leur milieu, peuvent aller apprendre de nouvelles compétences passionnantes avec lesquelles ils peuvent être créatifs et bricoler.
Quel est le meilleur âge pour devenir hacker?
Il n’y a pas de limitation. Vous pouvez devenir hacker à 80 ou à 8 ans. Le hacking n’est qu’un moyen d’interagir avec le monde. C’est la capacité de bricoler, la capacité de penser « Oh, je peux arranger ça ! » ou « Je pourrais faire faire quelque chose de différent. » Je pense qu’il n’y a pas d’âge idéal pour ça.
Vous participez au programme de résidence de Catch en ce moment. Pouvez-vous nous dire ce que vous y faites ?
Sur le plan thématique, chez Catch en ce moment, ils étudient l’art et les technologies sonores et c’est effectivement l’un des domaines de pratique sur lesquels je me concentre actuellement. Je fais beaucoup d’expérimentation avec des objets électroniques qui sont en quelque sorte musicaux. Je suis donc ici pour explorer un peu plus cette partie de ma pratique.
Les artistes doivent souvent combiner différentes sources de revenus telles que l’enseignement, les commissions, les ventes à des clients privés, des emplois à temps partiel à faible revenu, etc., pour joindre les deux bouts. Chez Catch, nous essayons d’identifier si certains éléments des modèles commerciaux classiques sont applicables, de manière à faire en sorte que la pratique artistique devienne une source fiable de revenus. Il est important de parler de ces choses si nous voulons apporter des changements. Alors peut-être pourrions-nous parler un peu de développement de carrière et d’argent – comment gagnez-vous votre vie aujourd’hui ?
Comme la plupart des gens que je connais dans la communauté artistique, l’argent pour payer mon loyer provient de nombreuses sources différentes. Je dirais que mes deux principales sources de revenus sont l’organisation d’ateliers ou de cours intensifs et l’écriture ou le tournage de guides pédagogiques axés sur la technologie. Je mène également un ou deux projets artistiques rémunérés par an, comme la résidence que je viens de terminer chez Catch. Je reçois également des droits d’auteur pour mon livre pour enfants, The Crafty Kid’s Guide to DIY Electronics. Avec cela je paye mon loyer et mes factures.
Je peux également me permettre une vie plus exaltante en postulant à des conférences ou à des ateliers lors d’événements qui couvriront les voyages et l’hébergement. Cela me permet de croire que je peux me permettre des vacances, même si je dois travailler pendant que je suis en voyage !
Comment vous voyez vous gagner votre vie dans 2-3 ans – en combinant vos antécédents artistiques et technologiques ?
En ce qui concerne les choses que je veux faire, j’aimerais faire des installations pour les lieux publics et des sculptures à plus petite échelle en tant que commandes pour des musiciens qui voudraient jouer avec. L’éducation est une passion pour moi et j’aimerais concevoir des cours qui enseignent la technologie dans le contexte de la créativité et vice versa.
Comment pensez-vous que vous y arriverez et quels pourraient être les obstacles ?
Pendant ma résidence à Catch Art Tech, j’ai parlé avec de nombreux commissaires et artistes. Nous avons examiné mon travail existant et parlé de mes ambitions de faire du travail en espace public, puis exploré certaines des façons dont je peux commencer à adapter mes pratiques pour mieux répondre aux réalités des espaces publics. Je pense que la meilleure façon d’y arriver est de faire quelque chose, de l’essayer, puis de l’adapter. L’itération n’est pas seulement pour le design produit !
En ce qui concerne les sculptures à plus petite échelle, j’ai échangé avec quelques musiciens connus qui m’aideront à façonner quelque chose, puis à l’utiliser dans leur propre travail. Diffuser quelque chose dans le monde est nouveau pour moi mais, encore une fois, je ne vais apprendre qu’en le faisant, puis en m’améliorant.
J’ai déjà commencé à concevoir des cours. Cette année, j’ai écrit et livré mon premier module de Master sur la musique et le hacking, et l’année dernière, j’ai conçu un cours pour la Cour royale d’Oman sur le hardware, le code et le design.
En plus de développer mes propres compétences et connaissances, je dois continuer à développer mon portfolio et mon image de personne capable de concevoir et de réaliser des projets qui s’inscrivent dans chacun de ces volets entrelacés. Les gens ne peuvent pas vous embaucher s’ils ne savent pas que vous existez, peu importe à quel point vous êtes bonne !
Tutoriel MINI.MU : comment réaliser son gant musical (en anglais) :
Pourquoi est-il important de partager les possibilités et les réflexions sur la façon de gagner sa vie en tant qu’artiste ?
Gagner sa vie en tant qu’artiste est précaire. Cela n’est pas aidé par notre propre incapacité à parler d’argent ou par notre réticence à valoriser notre temps correctement. L’idée romantique d’un artiste pauvre qui crée peu importe le contexte est dangereux, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour l’égalité des chances. L’art ne devrait pas être réservé à ceux qui en ont les moyens et peuvent se le permettre. À mon avis, c’est en fait une pratique féministe de dire combien nous sommes payées et par qui, à la fois dans le monde de l’art et de la technologie.
Nous devons exiger des opportunités de financement transparentes qui garantissent que les opportunités artistiques telles que les résidences sont suffisamment bien payées pour vivre une vie décente, suffisamment pour le loyer, l’assurance maladie, le transport, les matériaux et les coûts normaux d’un être humain adulte qui n’est plus étudiant.
Le Crafty Kid’s Guide to DIY Electronics, par Helen Leigh.
Le site de Catch.
Le programme de résidence de Catch fait partie du Feral Labs Network, un réseau cofinancé par le programme Europe Créative de l’Union Européenne. La coopération est menée par Projekt Atol à Ljubljana (Slovénie) et les autres partenaires #ferallabs sont la Bioart Society (Helsinki, Finlande), Catch (Helsingor, Danemark), Radiona (Zagreb, Croatie), Schmiede (Hallein, Autriche) et Art2M/Makery (France).