Pour sa troisième édition, du 30 janvier au 15 février, le festival de création numérique Orléanoïde a confié sa programmation au Labomedia, la caverne d’Ali Baba des artistes, hackers et makers orléanais. Et ça se voit.
Orléans, envoyée spéciale
A quelques jours de la fin du festival Orléanoïde, une ambiance de fourmilière régne encore au Labomedia d’Orléans pour les préparatifs du dernier week-end. « On a pu faire venir pas mal d’installations urbaines, ce qui veut dire aussi pas mal de contraintes techniques », dit Benjamin Cadon, directeur artistique en charge de ce festival de création numérique disséminé dans une vingtaine d’espaces publics et privés de la ville. Une édition inédite tant du point de vue de sa programmation hors les murs que de sa fréquentation, avec plus de 7.200 visiteurs revendiqués, soit deux fois plus qu’en 2014.
Car malgré des temps de disette niveau subventions culturelles, le ville a multiplié par deux le budget du festival, à 220.000 euros. Mais le reconfigure en format biennale. « C’était un pari d’investir autant dans la culture digitale (…), cela s’inscrit totalement dans notre politique et dans notre souhait de faire d’Orléans une ville numérique », explique Nathalie Kerrien, adjointe à la culture. En plein festival, l’agglomération Orléans Val de Loire a déposé son dossier de candidature au label French Tech. Le virage high tech avait déjà été pris en 2014 avec la décision de reconvertir l’ancienne usine pharmaceutique Famar en incubateur d’entreprises dédié au numérique, pour une facture de 20 millions d’euros. Les fablabs sont également de la partie : lauréat de l’appel à projets lancé par Fleur Pellerin en 2013, le nouveau fablab orléanais estampillé MIT accélère ses travaux sur le site de Polytech (on y reviendra).
Bidouille artistique in situ et hacking urbain
Dans cet écosystème du tout-numérique, le Labomedia fait figure de pionnier en portant la bonne parole du libre et de la transmission des technologies contemporaines depuis 1999. A la fois pôle de création artistique et de diffusion, le Labomedia est installé à la friche du 108, où son atelier de fabrication numérique accueille pêle-mêle artistes, chercheurs et bricodeurs. Les machines tournent à bloc. L’imprimante 3D finalise la pièce rotative d’une mini éolienne open source, « sans doute la moins chère qui existe », assemblée façon récup à base de roulements à billes de skate et T de golf. Tandis qu’un peu plus loin, les pièces détachées de Jules, le drone reconverti par l’artiste Adelin Schweitzer et le collectif artistique les Drônards en « agent de convivialité municipale orléanais », côtoient protos et projets en tous genres, dont le piano robot WikikIRC.
Un étage plus bas, c’est du son qu’on bidouille. Pendant la durée du festival, le collectif à géométrie très variable ∏-Node a pris ses aises entre workshops participatifs et installations audio-mutantes. Pour ces artistes hackers qui ont sévi lors de la Transmédiale de Berlin en 2014 ou encore à l’occasion de Bande Originale l’été dernier le long du canal de l’Ourcq, tous les moyens sont bons pourvu qu’ils fassent circuler du son : pavillon de gramophone, antennes hertziennes, dispositif à led, lasers, radios, moniteurs hors d’âge… Un véritable atelier de montage à la chaîne audio-mécanique, avec restitution sonore des expériences digitales, hertziennes ou encore lumineuses lors de la soirée de performances autour du projet « Cybernetic transmission relays » vendredi 13 février, toujours au 108.
Le Frac aussi se prête au jeu
Toujours sur la voie du hacking, le Frac (Fonds régional d’art contemporain) organisait un « Samedi Turbulent » le 14 février. En amont d’une rencontre avec l’historienne Leda Dimitriadi, spécialiste de l’urbanisme électronique, ce Frac atypique dédié aux architectures expérimentales a fait appel à l’artiste hacktiviste Benjamin Gaulon pour intercepter les signaux des caméras de vidéo-surveillance d’Orléans. « Notre idée est d’amener le public à prendre conscience de la partie électronique cachée de nos villes, car on parle beaucoup de smart cities, mais nos cités “traditionnelles” sont déjà ultra connectées », explique Emmanuelle Chiappone-Piriou, chargée de la programmation du Frac Centre.
Séquence du « 2.4Ghz project » de Benjamin Gaulon, à Paris en 2013 :
L’obsession de la télé-présence, Benjamin Gaulon, alias Recyclism, en a fait le leitmotiv de ses interventions de digital street art, rassemblées sous l’intitulé 2.4Ghz project. Munis d’un récepteur vidéo sans fil DiY, une vingtaine de participants et l’artiste ont ainsi sillonné les rues d’Orléans pour capter les fréquences, et donc le son et les images, des caméras de surveillance émettant des ondes hertziennes.
« La question de l’espace public protégé et surveillé est centrale pour l’avenir des villes, mais soulève beaucoup d’interrogations éthiques », ajoute Emmanuelle Chiappone-Piriou pour qui l’intervention de l’artiste résonne parfaitement avec l’exposition « Villes visionnaires, hommage à Michel Ragon », un panorama couvrant les projets de cités cybernétiques des années 1960 jusqu’aux développements contemporains des villes ultra-connectées qui se tient au Frac jusqu’au 22 février.
Le site du Labomedia d’Orléans