La Station biologique de Roscoff dans le Finistère a développé un kit pédagogique permettant de comprendre les conséquences de l’acidification des océans sur les symbioses marines telles que les coraux. Un bon moyen de transmettre les enjeux de la COP21.
Roscoff, envoyé spécial
Les conséquences du réchauffement climatique sur les océans sont un des enjeux de la conférence mondiale sur les transformations climatiques de décembre, la COP21. Le constat est alarmant. Encore la semaine dernière, une étude menée par l’université d’Adélaïde tirait la sonnette d’alarme sur la menace d’« effondrement » des espèces marines du fait de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. La combinaison de l’acidification et du réchauffement climatique a pour conséquence une réduction dramatique de la diversité, déjà largement constatée sur les récifs coralliens. Sont également menacées les forêts de varech (algues brunes) et de manière générale les eaux arctiques et tropicales. Un article paru en juin dans Nature relevait également que si les acteurs de la COP21 ne parviennent pas à limiter la hausse des températures de 2°C, les mers pourraient perdre entre 10 et 12 % des espèces marines.
Du labo de recherche à la classe de SVT: un kit pédagogique
A Roscoff, dans le Finistère, Xavier Bailly, chercheur co-responsable du Centre de ressources biologiques marines de la Station biologique de Roscoff, a conçu un kit pédagogique qui permet de comprendre la symbiose animal-algue, la diversification du vivant sans modification du génome, l’acidification des océans et ses conséquences, le phototropisme ou encore les étapes clés de l’embryogenèse. Le kit a l’avantage d’aborder et d’illustrer des phénomènes biologiques complexes et interconnectés, par l’illustration des photosymbioses animales, dont la plus emblématique est celle des coraux :
«Le corail expulse son partenaire algal et blanchit du fait du stress provoqué par les changements de température et l’acidité de l’eau. Le kit pédagogique permet de comprendre l’impact de l’acidification des océans. Une acidification due essentiellement au CO2 atmosphérique produit en excès par les activités humaines.»
Xavier Bailly, chercheur au CNRS
Bétatesté pendant deux ans par des classes pilotes, ce kit est distribué depuis la rentrée scolaire par Jeulin, éditeur et fournisseur de matériel pédagogique pour les collèges et lycées.
Ce kit pratique permet d’observer, d’étudier la photosynthèse et suivre expérimentalement la mise en place d’une photosymbiose en mettant en contact un ver marin « juvénile » (sans symbiote) et une microalgue. Pour démontrer la spécificité de la relation symbiotique et la diversité des microalgues dans l’océan, plusieurs algues sont proposées.
Biologie et écologie marine à la Station biologique de Roscoff
La Station biologique de Roscoff a été créée en 1871 par le célèbre biologiste et zoologiste Henri de Lacaze-Duthiers. Ce poste avancé va jouer un rôle majeur dans l’émergence de la biologie marine et de l’océanographie en Europe. La cité portuaire dispose en effet d’une très grande diversité animale et algale, avec, du fait de la proximité de l’île de Batz, des marées qui se retirent à près d’un kilomètre, donnant du temps aux biologistes pour étudier.
L’observatoire développe à l’aube du XXème siècle une extension des paillasses des laboratoires avec son aquarium de recherche. Aujourd’hui pilotée sous l’égide du CNRS et de l’Université Pierre et Marie Curie, la Station biologique de Roscoff est devenue un des hauts lieux mondiaux de la biologie et de l’écologie marine, accueillant chercheurs, étudiants, formations et autres colloques internationaux.
Le ver de Roscoff
Découvert à Roscoff et portant son nom, le ver Symsagittifera roscoffensis, est, à l’état adulte, un ver marin plat long de 4 à 5 mm. De couleur vert bouteille, on le trouve à marée basse sur les estrans sableux des côtes de Bretagne, des îles anglo-normandes et sur le littoral atlantique. Le roscoffensis est devenu un modèle de laboratoire présenté l’an dernier dans la revue Frontiers of Microbiology.
Le métazoaire forme en effet une association symbiotique obligatoire avec une microalgue sans laquelle il meurt. Le ver juvénile doit trouver son partenaire algal pour établir la symbiose. Une fois ingérées, les algues se divisent et photosynthétisent dans les tissus de l’animal : elles lui fournissent une partie des molécules organiques issues de la photosynthèse à partir desquelles le ver se nourrit. Cette photosymbiose associant intimement un animal et des microalgues mime celles des coraux et de nombreux autres « animalgues » des récifs coralliens et, à plus grande échelle, des océans.
Le site de la Station Biologique de Roscoff
Le kit en vente sur le site de Jeulin
Xavier Bailly participe au « BlackMarket: Devenir Terriens », au Musée de l’Homme le 21 novembre