La Cool Co : «La France n’a toujours pas compris l’open innovation»
Publié le 26 octobre 2015 par Ewen Chardronnet
Deux ans qu’ils promènent leur prototype de serre connectée de Maker Faire en événement DiY. Les designers de La Cool Co étaient à la Maker Faire Rome 2015 où ils nous ont raconté les difficultés à porter un projet d’open innovation en France.
Rome, envoyée spéciale
L’équipe de La Cool Co et leur prototype de serre connectée était à la Maker Faire de Rome, du 16 au 18 octobre. Carlos Santana, Antoine Berr et Maximilien Daman lancent tout début novembre une campagne de financement à hauteur de 70 000 dollars pour produire 200 kits du « Petit Cool ». Et s’apprêtent à intégrer le FabClub à Paris, pour une résidence qui leur permettra « d’arrêter de travailler dans le salon ou dans la cave », comme ils le font depuis deux ans.
En juin 2014, vous étiez à Futur en Seine à Paris pour présenter Biobot. Que s’est-il passé depuis?
C’était notre première rencontre avec le public. Cet événement nous avait donné l’impression de quelque chose très orienté business et entreprise. Je me souviens des types d’Orange et SFR qui nous expliquaient que l’avenir, c’était de mettre des cartes SIM dans nos objets… A la Maker Faire Paris, ensuite, Omar Soubra de Make s’est pointé à notre stand avec le ruban bleu du mérite en nous disant : “Les mecs, restez pas là, vous ne ferez jamais rien en France. Venez au Colorado.” C’était la première personne qui nous félicitait de notre investissement dans ce projet.
«On a enchaîné les Maker Faire aux États-Unis et en Europe, et on a arrêté d’écouter tous ces gens qui sont supposés être nos pairs et qui nous considèrent uniquement comme des outsiders.»
Vous êtes designers, comment ce projet est-il né?
Nous sommes étudiants à l’Ensci-Les Ateliers. Nous avons travaillé avec Thomas Lommée, qui a développé le projet OpenStructures et qui initie les étudiants de l’école à l’usage des plateformes de crowdfunding pour se rendre concrètement responsables de la réalisation de leurs idées. Avec notre première campagne, on a réussi à rassembler 2 000 euros et à réaliser notre première serre connectée. On a commencé avec des Tupperware, deux ou trois LEDs. Grâce à cet argent, on a pu développer le projet.
Maintenant, vous êtes de vrais globe-trotteurs. Quelles sont les principales idées que vous défendez?
Depuis deux ans, on traverse le monde pour présenter notre projet. Nous cherchons avant tout à développer un outil en open source pour que les enfants ou les enseignants (par exemple) puissent développer leurs compétences à la fois en électronique mais aussi en botanique. Aujourd’hui, on ne vend pas un produit mais un kit pour observer et s’occuper de la croissance de toutes sortes de plantes. Notre système repose sur des micro-contrôleurs en open source comme Genuino, que nous associons à de nombreux autres composants et capteurs en open hardware.
Quels sont les différents éléments que vous pouvez capter et mesurer?
La lumière, l’irrigation, l’humidité, la température… C’est comme une petite station météo. Nos outils sont accessibles gratuitement sur Internet, ils sont pensés pour être adaptables pour des types de plantes très différents et nos paramétrages permettent de doser assez précisément tous les ingrédients nécessaires, depuis la germination jusqu’à la vraie plante. Notre idée, ce n’est pas de produire sa propre nourriture, mais plutôt de permettre l’observation et l’expérimentation, avec une plateforme de mise en commun des paramètres et des résultats.
Comment voyez-vous la suite de votre projet, en France?
On organise beaucoup de workshops, en France, en Angleterre, aux États-Unis. Nos études ne sont pas encore finies, mais nous avons déjà réalisé qu’en France il y a un certain blocage avec l’open innovation. C’est peut-être le seul pays qui n’a pas compris que l’open innovation peut être rentable !
Nous sommes des enfants de ce qu’on appelle l’âge de l’accès, et en tant que designers nous cherchons à nous approprier ces technologies. Nous sommes des créateurs d’usages et non plus d’objets. Nous-mêmes avons tout appris d’Internet. Il y a deux ans, on s’y connaissait un peu en botanique mais on ne savait pas coder. Avec notre projet, on peut construire une serre, mais aussi mille autres choses.
Pourquoi était-ce important d’être à la Maker Faire de Rome?
C’est surtout une formidable occasion de rencontrer d’autres makers. On a fait San Francisco, New York, Rome depuis deux ans… On connaît maintenant ceux qui développent un projet similaire, Micro Experimental Growing (MEG). Ils sont designers de lumière et nous avons beaucoup discuté de ces aspects pour le développement de notre projet. On peut faire ici des crash tests qui valent bien plus qu’une étude de marché. Néanmoins, on sait maintenant repérer les mecs en costard-cravate qui sont là pour vendre, et qui ne participent pas à ce type d’échange. Sur le même genre de projets, ils sont des concurrents.
Vous sentez vraiment ce rapport de concurrence? Comment parvenez-vous à défendre votre engagement dans l’open source?
En France, tout le monde nous dit de protéger notre projet. On devait avoir un financement de la Banque publique d’investissement (BPI) mais ils nous ont dit que comme on ne pouvait pas déposer de brevet, c’était trop risqué. On leur a expliqué qu’on tenait à ce principe.
Depuis deux ans, on a trouvé une nouvelle manière de faire une enveloppe Soleau : on peut facilement prouver que le projet existe depuis longtemps, on a tous les liens, toute la documentation datée. Surtout, on a une communauté qui reconnaît cet effort-là. Et on a donc monté notre boîte, au Colorado.
Le site de La Cool Co (à surveiller pour sa campagne Kickstarter)