La Laponie, terre d’investigation écolo-techno
Publié le 1 octobre 2015 par la rédaction
Field Notes – Hybrid Matters, un labo de recherche art-science en pleine nature, se tient dans l’un des coins les plus au nord de la Laponie finlandaise, le lac Kilpisjärvi. Nous avons demandé à Netta Norro, à l’origine du programme européen Changing Weathers, ses « notes de terrain ».
Laponie finlandaise, correspondance
L’édition 2015 de Field Notes – Hybrid Matters, organisée par la société finnoise de bio-art Bioartssociety à la Station biologique Kilpisjärvi de l’université d’Helsinki, en collaboration avec le projet européen Changing Weathers, a rassemblé 40 artistes et scientifiques de 15 pays, du 14 au 20 septembre, qui se sont partagés en groupes de travail thématisés.
L’idée de «Hybrid Matter» (matière hybride), comme son nom l’indique, est de considérer tout ce qui relève de l’environnement physique et technologique, et en cela, tout ce qui relève d’une production de l’activité humaine, qu’elle soit intentionnelle ou non.
Les smartphones, les réseaux associés ou leurs déchets sont des exemples de matières hybrides. Un organisme synthétique ou génétiquement modifié appartient également à cette catégorie puisqu’il est d’origine technologique mais biologique en terme matériel. Aborder les choses sous l’angle de la matière hybride nous conduit à penser une écologie hybride et à diversifier et repenser nos concepts traditionnels sur l’environnement. Revue des approches des différents groupes de travail d’Hybrid Matters.
Seven Senses on the Land
Nos sens nous guident de par le monde et les systèmes écologiques complexes et interconnectés peuvent être explorés en combinant intuition et technologie. Le groupe Seven Senses on the Land (SSOTL), dirigé par Marko Peljhan et Matthew Biederman de l’Arctic Perspective Initiative (API) en collaboration avec Leena Valkeapää, dont la thèse de doctorat porte sur l’artiste lapon Nils-Aslak Valkeapää, s’est intéressé aux frontières physiques et mentales du paysage. Et a fait usage de technologie pour augmenter sa capacité d’observation en se concentrant tout particulièrement sur l’élevage ancestral et nomade de rennes en Laponie finlandaise (en voie de disparition).
Strates cachées du paysage
L’homme a besoin de moyens techniques pour survivre en Arctique. Le groupe Encounters in a layered landscape (littéralement «Rencontres dans un paysage à plusieurs strates»), dirigé par l’artiste naturaliste Antti Tenetz, a travaillé sur la cartographie dynamique du paysage pour mettre en lumière l’interconnexion des éléments d’origine biologique, géologique et technologique.
Les strates cachées du paysage du Kilpisjärvi ont été explorées depuis les habitats humains du néolithique jusqu’à aujourd’hui, en passant par la visite de sites de la Deuxième Guerre mondiale.
Post-Nature
Le groupe PostNatural – Hybridization, Intention, and the Alteration of Living Things (Hybridation post-naturelle, intention, et altération des organismes vivants) s’est posé la question de ce qui peut rendre attractive ou non l’altération par l’humain d’une aire biotique. On parle de contexte post-naturel lorsque l’on constate la transformation intentionnelle d’un trait héréditaire d’un organisme, et cela bien qu’il y ait aussi de nombreuses altérations mutuelles non intentionnelles entre les humains et les autres formes de vie.
Le groupe, dirigé par Richard Pell et Lauren Allen du Center for PostNatural History, a mené un travail de terrain pour répertorier les organismes ayant subi des transformations par des pratiques intentionnelles, de même que les conséquences non intentionnelles sur l’aire biotique de la destruction des habitats, de la globalisation et du changement climatique.
Est-ce que le paysage peut parler de sa propre voix ?
En se plantant à l’écoute des différents paysages sauvages de la région subarctique du Kilpisjärvi, le groupe Sonic Wild Code (code sonore sauvage), mené par l’artiste sonore Antye Greie alias AGF, a étudié les notions de coexistence, de communication et d’interaction selon la perspective préalable définie d’une écologie hybride. En écoutant la terre, en communiquant avec la terre, en analysant les codes de ce qui a été entendu, le groupe a mis en valeur les formes respectives de coexistence avec le paysage.
La sonification des champignons est basée sur le projet Pulsum Plantae qui met l’accent sur des relevés d’activité bioélectriques de différents types de plantes. En utilisant leurs compétences perceptives comme biocapteurs, les signaux sont amplifiés puis envoyés à un micro-contrôleur pour pouvoir les travailler selon un procédé expérimental de sonification. Vous pouvez construire votre propre système en suivant cette documentation.
« Mushroom bumping », Till Bovermann :
Observation critique
Le groupe Second Order était dirigé par Lea Schick, chercheure en pratiques créatives de l’université d’informatique de Copenhague. Ce groupe s’est réparti en binômes au sein des autres groupes afin d’observer d’un œil critique le fonctionnement et la communication et d’initier des contre-perspectives en proposant des interventions ponctuelles.
Et quand bien même il existe déjà de nombreuses traces et retombées de cette semaine sur la matière hybride, il faudra attendre les prochains mois voire les prochaines années pour découvrir ce qui s’est véritablement passé dans cette nature à la fois si vide et si pleine.
« Pont, rennes, hélico près de Čáhkáljávri », Dinah Bird :
Le site du programme Changing Weathers
Netta Norro est chargée de projet à Projekt Atol (Slovénie), l’association qui porte le programme de coopération européenne Changing Weathers (contexte de l’atelier art-sciences finnois).