A l’occasion du Festival D, quelque 5.000 Nantais ont découvert les «nouveaux bricoleurs», les 26 et 27 septembre, au Lieu unique. Retour en images sur une ambiance fablab avec son lot de démos et protos bizarres et curieux, ses débats et… son dancefloor.
Nantes, envoyé spécial
Makery était à Nantes ce week-end pour le Festival D, gratuit et ouvert à tou(te)s. Près de 5 200 visiteurs ont arpenté les espaces ouverts du Lieu unique : la «Découverte» permettait de rencontrer 35 équipes de makers, les ateliers proposaient un programme DiY, des conférences et débats animaient l’espace «Discussion», et le «Dancefloor» faisait danser dans une soirée concerts-perfs-DJ. Le tout dans l’esprit d’éducation populaire et de culture libre porté par l’association PING, organisatrice de l’évènement. Revue (forcément partielle) en photos de cette deuxième édition qui lance la rentrée des makers à l’Ouest.
A l’entrée, un fablab « reconstitué » accueille les visiteurs. Les équipements typiques du fablab prototypés en bois (du tournevis à l’ordinateur à la découpe laser, il ne manque pas grand-chose) peuplent les espaces mis en scène : fabriquer, partager, bricoler, se retrouver, réparer, créer.
Développé en OPENatelier à Plateforme C, le fablab nantais, le manège à rythme de Gaétan Cieplicki est alimenté avec un vélo d’appartement… le régional de l’étape ?
Les synthés modifiés de Yohann Véron (mixant rythme bionique et synthèse audio) étaient en démo fun l’après-midi, avant de monter sur scène pour un concert en soirée, au côté de Nicolas Huchet et sa prothèse Bionicohand et du groupe Affenorder.
Marc Raynaud a mis quatre mois pour élaborer cette «machine de Turing» dans des conditions proches des techniques dont disposait Alan Turing, le mathématicien britannique père de l’informatique. Uniquement composée d’éléments electro-mécaniques, elle ne comporte ni informatique, ni électronique. Parmi les quelques machines construites – ou plutôt « concrétisées », ce que l’on appelle « machine de Turing » est en fait un modèle théorique abstrait, et non un objet –, elle permet de visualiser l’exécution, d’écrire et de lire des algorithmes, processus à la base de tous nos automates et ordinateurs.
Boire l’apéro à partir du « Data Cocktail », qui compose les drinks au rythme de Twitter : un mot-clé pour chaque ingrédient, cinq doses par cocktail, le dosage étant fonction des derniers messages en relation. Mais, explique Clément Gault, « on ne promet pas que ça soit bon »…
Le « wikikIRC » n’en est pas à sa première sortie, mais le piano trafiqué du collectif orléanais Labomedia crée cette fois encore son ambiance de « dernier pub avant la fin du monde » (le piano barbare synchronise sa composition au rythme live des modifications de Wikipédia).
Pas très loin, blips, clicks et bulles de sons éclosent du stand du sculpteur Luc Kerleo. Ses circuits résonnants sont autant de générateurs sonores autonomes, synchronisés ou non les uns avec les autres qu’il dissémine dans l’acoustique d’un lieu. Les technologies audio actuelles s’étant révélées peu appropriées à ses travaux, pour chaque besoin, il construit une sorte de microcosme qui comprend généralement un ou plusieurs générateurs de sons qui sont branchés sur autant d’amplificateurs et qui alimentent autant de haut-parleurs.
Le Cheval-bidons de Troie
Le projet Bidons de Labomedia occupe 10m2 : « Notre radeau, les divers éléments d’innovation, le bar clando, le gegerpinode sound system et bientôt notre tente qui sèche. Le tas de noix diminue de plus en plus. Bientôt, nous pourrons faire un feu de camp sur site. Il y a quelques années, nous avons grillé des sardines au LU pour remettre les palmes de la créativité numérique, ce soir nous grillerons du maker en gloire au Massachoussette Institute of Technology. Benito présente son wikikipiano, Antonio présente sa small turbine, et le radeau représente tout court. Les spectateurs sont médusés. Ils achètent à prix d’or les noix glanées sur l’île pistolet et déploient tout leur potentiel de nuisance pour pousser le FRAC à acquérir dans ses collections notre radeau. Cheval de Troie en bidons pour une intrusion en brute force dans le monde de l’art institutionnalisé. »
Antoine C et sa Petite Eolienne Libre Voosilla qui a tourné à chaque démo à la force de son poignet pour fournir ses 15 volts en courant continu.
Louison Gouy préfère porter le badge du festival plutôt que la blouse bleue adoptée par les autres makers exposants. Malgré quelques potes un peu turbulents qui n’ont pas voulu louper l’occasion de cette première présentation publique, il ne perd pas son sérieux quand il fait les démos de sa Cyberhouse construite autour de la programmation d’un module Schneider Zelio Logic.
La discussion sur le thème « bricoler aujourd’hui » s’ouvre sur un paradoxe : la notion même de bricolage ne peut exister que dans un contexte où nous reconnaissons avoir totalement abandonné à l’industrie la maîtrise de la production de notre monde technique quotidien, pose en introduction l’historien Guillaume Carnino. Après deux bonnes heures d’échanges à partir de son intervention, puis de celles du sociologue Michel Lallement et du bio-ingénieur Michka Melo, la cinquantaine de participants quitte la salle sur l’idée (entre autres) que redonner du pouvoir à l’individu sur son quotidien reste un credo essentiel du faire en mode DiY-DiwO d’aujourd’hui. Le bricolage doit rester ouvert à la participation de n’importe qui, sans condition ni obligation de résultat.
Et maintenant dansons !