Makery

Montréal, cœur de makers (2ème partie)

Chez Helios, de dos, l’artiste Matt Ng affairé sur un châssis qu’il fabrique. © Marie-Eve Lacasse

Un vent de makermania souffle sur Montréal. Derrière l’éclosion des fablabs, des makers à l’enthousiasme contagieux. Rencontres aux quatre coins des labs de la métropole québécoise pour la deuxième partie de notre reportage.

Montréal, envoyée spéciale (texte et photos) 

Ce qui fait la force d’un fablab ou d’un hackerspace, ce n’est pas nécessairement la quantité de matériel qu’on peut y trouver, mais bien ceux qui les fréquentent et leur enthousiasme contagieux. Qu’ils soient bénévoles, profs, amateurs, artistes, ingénieurs ou chercheurs, les utilisateurs de ces espaces ont une chose en commun : le désir de partager leurs connaissances en toute gratuité.

Des artistes chez les startupers 

Alors que je rencontre Sydney Swaine-Simon au District 3 Innovation Center de l’université Concordia, ingénieur diplômé de Concordia qui fait aujourd’hui partie de la team salariée du d3center, une jeune fille aux montures imposantes et aux cheveux courts entre dans le lab.

Sydney me demande de le suivre et me présente Evelyne Drouin : une artiste sonore, ancienne résidente de la Société des arts technologiques, qui travaille à la fois sur les neurosciences, la musique et les effets visuels. « Mon dernier projet consiste à montrer visuellement les effets du son sur le corps », me dit celle qui devient aussi DJ Mini la nuit.

Sydney Swaine-Simon et Evelyne Drouin : « On rigole, on rigole, mais en fait on bosse. »

Si le d3center héberge des start-ups à fort potentiel, il met aussi son makerspace à disposition des artistes ayant besoin de bidouiller des trucs et demander l’expertise des ingénieurs et informaticiens travaillant sur place.

« Nous avons vraiment l’intention de faire venir de plus en plus d’artistes », dit Sydney Swaine-Simon. « Eveline est un bon exemple de ce que nous pouvons nous apporter mutuellement. Nous avons déjà fait plusieurs projets ensemble. »

Et parce que ce petit monde veut toujours en faire plus, Eveline est aussi ambassadrice de Little Bits, des ateliers d’initiation à l’informatique pour les petits. Cœur avec les doigts.

Geek communautaire 

Marc-André Léger me donne rendez-vous au d3center de Concordia où il donne, depuis la rentrée universitaire, un atelier inspiré du célèbre « How to make something » du MIT : « How to make almost anything ».

Pendant 15 semaines, il offrira une formation gratuite à quiconque veut monter un projet nécessitant les outils du makerspace, peu importe son âge ou sa formation. Cet informaticien de formation, qui se définit comme un geek, a débuté il y a 35 ans comme programmeur puis gestionnaire de réseaux. Il enseigne aujourd’hui les technologies de l’information à la fac de médecine et d’administration de l’université de Sherbrooke et à la John Molson School of Business de l’université Concordia.

Marc-André Léger, le papa des geeks montréalais.

Mais surtout, Marc-André a toujours eu à cœur de s’impliquer dans sa communauté. Il a voulu créer, dans le quartier sensible d’Hochelaga-Maisonneuve où il vit avec sa femme, une université populaire (inspirée par celle de Michel Onfray) puis a créé un fablab au sein du musée de l’informatique du Québec.

« C’est une sorte de vocation. Nous n’avons pas d’enfants et mes parents m’ont toujours transmis ces valeurs de partage et de transmission. Alors c’était naturel de s’impliquer bénévolement auprès des autres. »

Inspiré par le Maker’s café de Londres, un nouveau makerspace ouvrira prochainement dans le quartier Hochelaga, toujours piloté par Marc-André. « C’est une vision communautaire du makerspace. Il y aura un atelier de support informatique et un café internet qui nous permettra de subvenir aux coûts du lieu. Il faut multiplier les sources de financement, parce qu’il n’y a pas beaucoup de subventions. » 

C’est pas du pipeau

Chez Helios, le makerspace dont nous vous parlions par ici, je rencontre Alexandre Lavoie. Prof de musique et flûtiste de formation, Alexandre cherchait un atelier pour fabriquer ses flûtes artisanales : « Ce sont des flûtes traversières indiennes ayant subi une légère modernisation. D’habitude les flûtes indiennes sont en bambou. Celles-ci sont en bois, avec une embouchure rectangulaire et des coins ronds. Elles ont plus de basses et d’aigus… »

Alexandre Lavoie prend la pose.

Et pourquoi les fabriquer chez Helios ? « Je cherchais un endroit pour poser mon tour de métal et chez Helios, ils étaient ravis d’accueillir et le tour de métal, et moi-même ! » On peut voir les flûtes d’Alexandre sur son site.

A côté de lui travaille Matt Ng, un étudiant en arts de l’université Concordia. Sculpteur et peintre, il s’affaire sur une table à construire un châssis de grand format pour une future peinture. « Mais pourquoi la fabriquer toi-même ? » demandais-je naïvement. « Parce que c’est sympa à faire ! Et aussi parce que c’est moins cher. Les ateliers de Concordia sont fermés l’été (nous sommes en août, ndlr) et de toutes façons, pour les étudiants diplômés, il n’y a plus d’accès aux ateliers de l’université, donc mieux vaut trouver des solutions maintenant. »

Lambert Le, le fondateur d’Helios, un jeune ingénieur lui aussi diplômé de Concordia.

Fonctionnant avec 15 bénévoles, supervisés par l’intrépide Lambert Le, Helios témoigne des mariages heureux entre geeks et artistes qui fleurissent dans la Belle Province.

Retrouver la première partie de notre reportage à Montréal, c’est par ici.