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Premier hackathon à l’Elysée pour la Grande école du numérique

Une cinquantaine d'apprentis codeurs ont planché à l'Élysée le 17 septembre. © Elsa Ferreira

Le hackathon le plus médiatisé de l’histoire de France s’est tenu le 17 septembre sous les ors de l’Elysée. Un joli coup de comm’ pour François Hollande qui a lancé la Grande école du numérique. Laquelle sera de fait un réseau de formations au code. 

D’abord, les dorures. Et puis, quelques contraintes : en amont de l’événement, qui a débuté le 16 septembre à l’École des mines sous la houlette de la secrétaire d’Etat au numérique Axelle Lemaire, la cinquantaine d’apprentis développeurs a reçu « un document de travail » présentant l’ordre du jour du tout premier hackathon présidentiel : la valorisation de la pratique sportive, le développement durable, la communication présidentielle ou encore créer un réseau pour les alumnis de la «Grande Ecole du Numérique»… soit sept sujets aux objectifs et compétences délimitées pour imaginer des applications, des programmes et autres projets développés en 24h (et plus) sous la forme d’un marathon du code.

Hackathon sous les dorures. © Elsa Ferreira

Peu importe. Pour la grande majorité des participants (dont 20% de filles), ce hackathon de l’Élysée est une première (pour eux comme pour le palais présidentiel). « D’habitude, les hackathons sont plutôt communautaires, Aujourd’hui, on est dans une démarche collective, même si on n’a pas tous les mêmes projets et qu’on ne vient pas tous de la même structure », explique Gaël Musquet, président d’OpenStreetMap France et mentor dépêché par l’agence numérique publique La Fonderie (elle-même appelée à l’aide par le gouvernement pour ce hackathon exceptionnel).

Live tweet et boussole de l’emploi

Débuté mercredi, achevé jeudi en même temps que le président Hollande se voyait remettre le rapport sur la Grande école du numérique (GEN), et lançait le label GEN, le hackathon a permis l’émergence de projets plutôt aboutis.

«D’habitude on arrive, une demi-heure après on commence à coder et on ne s’arrête jamais. Là, on est dérangés toutes les deux minutes, il y a des speeches pendant des heures et des heures.»

Maxime Zlapata, participant au premier hackathon élyséen

Anne-Marie Esteves et Marie Herelier du réseau d’écoles Simplon, ont récolté les données des sites d’annonces d’emploi et développé une API ouverte. Première application concrète : une boussole de l’emploi qui permet de saisir la tendance des offres et des compétences demandées. Deuxième : un affichage LED pour annoncer en temps réel le nombre d’emplois disponibles dans un langage donné.

Marie Herelier et Anne-Marie Esteves (Simplon Ardèche et Simplon Prod). © Elsa Ferreira 
Bidouille à l’Élysée. © Elsa Ferreira

L’Élysée a même gagné, sous la houlette de François-Xavier Guidet, co-fondateur de la Manche Open School, un agrégateur de compte Twitter qui permet de nettoyer, programmer et collecter les tweets puis de les intégrer dans une interface du site de la Présidence. Le tout agrémenté d’un habillage conçu par La Fonderie.

« Hackathon médiatique »

« L’idée n’est pas de se dire ‘chic, ils ont développé ça’ gratos, nous rassure Mounir Mahjoubi, de BETC Digital. Si le projet aboutit, avant de le rendre public et qu’il soit utilisé par des milliers d’utilisateurs, il connaîtra une deuxième étape de validation avec des professionnels. Si une équipe le souhaite, elle sera accompagnée par les pros des différents ministères ». Le module Twitter serait déjà promis à un grand avenir, affirme-t-il.

Les bébés hackers de l’Elysée sont heureux. « C’est un hackathon médiatique, reconnaît Maxime Zlapata, apprenti développeur qui travaille à un jeu sérieux écologique pour enfants. D’habitude on arrive, une demi-heure après on commence à coder et on ne s’arrête jamais. Là, on est dérangés toutes les deux minutes, il y a des speeches pendant des heures et des heures. Mais j’approuve vraiment l’idée de créer des liens entre toutes ces écoles dans une école du numérique. Ces écoles sont partout, elles ne sont pas reconnues. Ça ne peut apporter que du bon à la France. »

Un label ouvert aux fablabs

Car c’est bien de ça qu’il s’agit. Si l’Élysée a entassé ces apprentis codeurs dans son hôtel particulier, c’est pour lancer symboliquement la Grande école du numérique (GEN), une labellisation de formations en réseau pour créer une école « hors les murs » (et hors cursus universitaire classique).

Certaines des écoles et formations font déjà office de têtes d’affiches : Simplon, Wild Code School, Web@cademy, Street School ou encore UHA 4.0.

« La Grande école doit être un réseau de tout ce qu’on voit aujourd’hui, de toutes ces initiatives qui sont sur le terrain et qui tâtonnent pour permettre aux gens qui n’accrochent pas au système ordinaire de pouvoir revenir et accéder à des compétences par des voies différentes, explique François-Xavier Marquis, co-rapporteur du projet de GEN au côté de Stéphane Distinguin, président de l’association Cap Digital et de Gilles Roussel, président de l’université de Marne-la-Vallée. Il faut reconnaître ces pédagogies, reconnaître la façon de travailler de façon inversée, par projets, apprendre à mutualiser l’ensemble et utiliser le vecteur du numérique. »

La bonne nouvelle, c’est que les fablabs aussi pourront se greffer à l’écosystème GEN –et prétendre à des financements. « A condition d’offrir eux aussi une formation qui réponde au cahier des charges », précise Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique. Ici Montreuil serait déjà sur le dossier.

François-Xavier Marquis, l’un des trois rapporteurs sur la Grande école du numérique. © Elsa Ferreira

La GEN sera donc un « prototype exemplaire » d’éducation alternative, explique François-Xavier Marquis. 50 % des effectifs des formations labellisées devront être réservés à un public qui n’a pas accès à la formation, de chômeurs et décrocheurs scolaires, et 30 % à des femmes. Les formations devront être proches du terrain et en relation avec les entreprises du territoire. « Le grand enjeu est d’être capable d’identifier les besoins des PME de façon instantanée et de monter très vite des formations capables de répondre à ce besoin, le réseau étant là pour les consolider sur l’ensemble du territoire », détaille François-Xavier Marquis.

Pas de nouvelles structures, donc, mais une reconnaissance des formations existantes. « C’est bien de crédibiliser des formations non liées à l’État, juge Christophe Aupet, développeur en formation chez Samsung Campus. Peut-être que ça nous aidera à avoir un statut. C’est ce qui pose problème aujourd’hui : avoir des aides et une formation diplômante. »

L’Élysée annonce vouloir mettre en place 200 « fabriques » pour 10 000 jeunes d’ici trois ans, avec une première vague de 50 lieux labellisés et 2 500 formés avant la fin de l’année. 500 000 euros seront alloués par l’Etat au fonctionnement du réseau, soit un montant bien mince pour afficher une politique éducative axée innovation…

Des compétences plutôt que des diplômes

Si François Hollande a avoué, lors de la remise du rapport jeudi, avoir eu « un moment de surprise et d’interrogation » à l’annonce de l’organisation d’un hackathon à l’Élysée (« de quoi s’agit-il exactement, d’une entreprise étrangère ? », blague-t-il), le résultat ravit le rapporteur. « C’est intéressant de voir que des gens qui ne se connaissaient pas, qui se sont mêlés, sont capables en 48 heures de sortir quelque chose à partir d’une feuille de route extrêmement limitée. C’est la preuve qu’il n’y a pas besoin des Mines de Paris ou de Centrale pour ensemencer des compétences. »