Du land art slovène pour penser le nanotourisme
Publié le 28 juillet 2015 par Ewen Chardronnet
Est-il possible d’envisager un tourisme durable? L’Association d’Architecture de Londres organisait en juillet un atelier au KSEVT, un centre dédié à la culture spatiale perché dans les Alpes slovènes.
Vitanje, envoyé spécial
La répartition de la manne touristique est devenue une question politique en Europe. Alors que la menace du Grexit et la fermeture des banques amplifiaient les inquiétudes économiques sur la saison grecque, la nouvelle maire de Barcelone, Ada Colau, issue des Indignés, s’est engagée début juillet contre le « tourisme de masse » en gelant les attributions de licences d’hôtels. Colau dénonce la « monoculture du tourisme », la spéculation hôtelière, les vols « last minute » et les charters « tout inclus ». Elle répond aussi par cette première mesure à l’exaspération des habitants face à la saturation de la ville. L’Espagne est particulièrement touchée par la transhumance touristique estivale : Saint-Jacques de Compostelle évoque un moratoire hôtelier ; les Canaries voudraient plafonner le nombre de touristes ; les Baléares parlent d’écotaxe pour touristes…
Nanotourisme
C’est cette question du tourisme durable que posait le workshop de l’Association d’Architecture de Londres, organisé en juillet dans les montagnes slovènes. Le terme de « nanotourisme » est posé en préalable pour refléter à la fois « une attitude visant à l’amélioration des environnements quotidiens spécifiques et une stratégie visant à ouvrir de nouvelles économies locales ».
L’économie slovène et la richesse de ses paysages font du tourisme l’un des rares secteurs qui continue de croître, indépendamment des conditions de turbulence de l’économie de marché mondiale.
«Les programmes gouvernementaux d’investissement touristique ont ces dernières années échoué à valoriser une expérience d’ensemble du pays. Ces investissements ont même entraîné la diminution des ressources naturelles et ont mis à mal les possibilités de développement touristique durable sur un territoire déjà petit et fragile. Trop peu d’attention est accordée à l’idée d’un tourisme axé sur l’expérience locale.»
Aljosa Dekleva, architecte, animateur de l’atelier au KSEVT
Station spatiale
L’équipe de jeunes professionnels et d’étudiants réunie par l’AA du 4 au 17 juillet, associée à la Biennale de Design de Ljubljana (BIO 50), était invitée à s’engager dans des ateliers pratiques et des interventions locales autour de l’architecture unique du KSEVT, pour réfléchir au sens à donner à l’implantation de ce centre de culture spatiale à Vitanje, petite ville des Alpes slovènes, et plus largement définir ce qui relève d’une action nanotouristique.
Le KSEVT est un centre artistique et scientifique consacré à la culture spatiale dirigé par Miha Turšič et Dragan Živadinov, metteur en scène connu pour être l’un des fondateurs du Neue Slowenische Kunst (NSK, sur lequel le musée d’art moderne de Ljubljana propose cet été une grande rétrospective), qui a émergé dans la Slovénie yougoslave du début des années 1980. Živadinov et Turšič ont réussi à convaincre l’Union européenne de financer la construction d’un centre culturel dans le village d’origine du scientifique Hermann Noordung, qui détermina dans les années 1920 la distance de l’orbite géostationnaire et imagina y porter une station en forme de roue, recréant la gravité terrestre. La source d’inspiration pour 2001, l’Odyssée de l’espace. Comme un OVNI tombé du ciel, le bâtiment ouvert il y a trois ans dans ce village de montagne de 800 habitants, a du mal à trouver l’équilibre.
Local versus planétaire
Les étudiants ont développé des projets adaptés et matérialisés en actions ou structures temporaires ou permanentes, et cherché à créer une expérience compréhensible, tangible, voire fictionnelle, du KSEVT comme du village de Vitanje. Mot d’ordre : « Local versus planétaire ».
Don’t Panic (Vitanje Space Call)
En collaboration avec la communauté de Vitanje, les participants ont créé une installation de land art s’appuyant sur la technologie aérienne et spatiale. Comment une communauté locale peut-elle communiquer avec l’ensemble de la planète et le cosmos ? Le 15 Juillet 2015, les habitants et les participants à l’atelier de l’AA ont écrit « Don’t Panic » sur la colline surplombant Vitanje.
Pourquoi « Don’t Panic » ? La phrase s’inspire du Guide du voyageur galactique de Douglas Adams et de cette citation d’Arthur C. Clarke : « Le conseil de Douglas Adams de ne pas paniquer est peut-être le meilleur qui peut être donné à l’humanité. »
Malgré les problématiques mondiales d’inégalité, de changement climatique, de dialogue et de paix, une simple phrase suffit à nous rappeler qu’il n’y a aucune raison pour que nous ne puissions pas les surmonter.
KSEVT étendu
Autre projet « remarquable », « Expanding KSEVT » consiste à offrir au visiteur une expérience de l’espace qui relie le local et le planétaire. Les astronautes vivent 16 couchers de soleil par jour. Dans les coteaux de Vitanje ont été installées des « étoiles », constructions réfléchissantes permettant au visiteur sur le toit du KSEVT d’expérimenter lui aussi 16 couchers de soleil.
Le KSEVT comme terrain de jeu
Enfin, certains participants se sont joués des fondements qui ont inspiré l’architecture du lieu pour concevoir des objets en cordage pouvant servir aussi bien de terrain de jeu pour enfants que de structures permettant d’expérimenter physiquement les pertes de repères.
Le site du programme Architecture Association Visiting School Slovenia