Comment un savoir-faire ancestral de fabrication de tissu d’écorce est devenu une entreprise d’éco-fashion internationale, entre Ouganda et Allemagne.
En Afrique de l’Est, le peuple Baganda, installé au sud de l’Ouganda, est maker depuis toujours, mais sans Arduino ni drones. La spécialité locale, c’est le textile d’écorce, un savoir-faire rustique, antérieur à l’invention du tissage (c’est dire si ça date…), entré en 2005 au Patrimoine culturel de l’humanité de l’Unesco.
La fabrication du tissu d’écorce :
L’écorce intérieure du Ficus local, le Mutuba, est récoltée pendant la saison des pluies, délicatement prélevée sur le tronc gratté au préalable, qui va cicatriser tout seul en l’espace d’un an. L’écorce est mise à tremper puis battue de longues heures avec vigueur, à l’aide de différents maillets en bois sculptés avec de petits picots par les villageois. L’objectif est d’assouplir la fibre pour obtenir une texture fine aux propriétés proches du cuir, une couleur ocre uniforme et une surface toute douce !
Selon la tradition, les artisans du clan fabriquaient du tissu d’écorce (sous la direction du kaboggoza, le chef héréditaire des artisans) pour la famille royale Baganda et le reste de la communauté. Principalement porté lors des cérémonies de couronnement, de guérison ou de funérailles, les hommes l’utilisent en toge, les femmes aussi en y ajoutant une ceinture ; il est teinté en noir ou blanc pour les rois et chefs.
Battu très finement, ajouré, le tissu d’écorce devient presque transparent et peut aussi être utilisé comme moustiquaire, drap de lit ou sac de conservation de produits alimentaires.
Avant l’arrivée des tissus en coton au 19ème siècle, chaque village de la région possédait son atelier-hangar de fabrication. Si la production est ralentie, le savoir-faire se perpétue et a tapé dans l’œil d’une entreprise allemande qui depuis 1999 travaille en collaboration avec les makers ougandais avec sa propre marque, Barkcloth (le nom anglais du tissu d’écorce).
La conception du tissu a été améliorée par l’ajout de propriétés comme l’imperméabilisation ou la résistance au feu pour le rendre plus approprié aux vêtements, tissus d’ameublement, revêtements de murs (distribués par Arte International), abat-jours et même composants d’automobile. Les Allemands planchent actuellement sur des applications de filtres pour climatiseur ou, plus sexy encore, sur des pansements biodégradables pour soigner vos bobos.
Ce matériau renouvelable, 100% bio-sourcé, a également inspiré le designer textile José Hendo lors de son défilé 100% Barkcloth à Vancouver cette année.
Défilé au tissu d’écorce de José Hendo à la Fashion Week 2015 de Vancouver:
Pour toucher du Barkcloth pour de vrai, rendez-vous au show-room d’Arte International, 6 bis rue de l’Abbaye, Paris 6ème