Richard Stallman en guest-star au Jardin entropique, première édition à Rennes les 28 et 29 juin. © Delphine Bézier
Avec un final signé du père des logiciels libres, Richard Stallman, la première édition du Jardin entropique, rencontre ouverte des activistes de Rennes, a phosphoré tout le week-end sur les questions brûlantes de vie privée, surveillance et «dégooglisation».
(Rennes, correspondance)
« Le logiciel propriétaire », (il dit « privateur ») « c’est le programme qui contrôle l’utilisateur. Le logiciel libre, c’est liberté, égalité, fraternité. C’est à dire tout ce que ne veulent pas les gouvernements. » Richard Stallman, le père du logiciel libre, à l’entame de sa conférence au Jardin entropique, résume l’esprit de l’évènement rennais. Etait rassemblé ce week-end un bon nombre d’acteurs et d’activistes du libre devant un public d’une grosse centaine de personnes. Un succès pour cette première édition organisée par Breizh Entropy, le hackerspace rennais, le Jardin moderne et 3HitCombo.
Au menu des conférences, mini-talks, ateliers et installations, le numérique à l’heure de la gouvernance algorithmique. Filtrage, surveillance, malveillance versus respect de la vie privée, liberté d’expression, neutralité du réseau et réappropriation des outils… c’est sous l’angle éthique et politique autant que technique que les libristes ont abordé ces questions.
« Des gus dans un garage »
Annaïg Denis de la FFDN, à la pointe du combat juridique avec la Quadrature du Net, a rappelé le calendrier des lois LOPSI, LOPPSI 2, LPM, HADOPI, DADVSI, LSI. De fait, les juristes de ces associations sont devenus des experts, plus affûtés que la plupart des avocats spécialistes. Même si elle souligne qu’ils sont toujours considérés comme « des gus dans un garage » ou des « spammeurs » par les officiels qui manifestent en général la même inculture numérique qu’il y a vingt ans.
En visioconférence depuis Dakar, Florent Youzan (dont on vous a parlé ici) expliquait comment la « technologie libre repense le quotidien, au-delà du numérique» et représente un espoir pour la jeunesse africaine en terme d’innovation et d’entrepreunariat. « Dans un pays où il y a plus de téléphones portables que de brosses à dents », et où la couverture par le réseau GSM est quasi totale, Internet n’est pas forcément l’outil central. « Dans les tiers-lieux et communautés du libre, on travaille plutôt sur des applications mobiles, comme InPregnancy, ou sur la cartographie des zones impaludées (CartoMalaria), avec de gros enjeux d’ergonomie et d’accessibilité (plus de 50% de la population est encore analphabète).»
Boîte à outils libres
Coté outils et infrastructures techniques permettant de garantir la confidentialité des échanges, à côté des pionniers Tor ou Tails, on a pu voir les démos de Own Mailbox, une minibox à brancher en Ethernet qui permet l’envoi chiffré et le stockage de mails hors ligne, Matrix, un standard ouvert de visioconférence décentralisé permettant l’interopérabilité et la protection des échanges, ou encore Wallabag, un système de bookmarking d’articles développé avec l’association Framasoft.
Souveraineté technologique
Des débats qui suivaient chaque présentation, ressortait souvent la nécessité de faire converger les luttes et les milieux alternatifs, pour que les initiatives dans d’autres domaines que l’informatique s’emparent des enjeux du numérique et s’approprient les solutions libres. Autre idée : aller plus loin que le logiciel et les réseaux de communication en développant le matériel, la fabrication numérique, l’électronique et les composants jusque dans les couches les plus basses des machines.
Dans sa conférence sur les « expériences intemporelles autour de la souveraineté technologique », Efkin, hacker à Calafou (Espagne), a bien montré les questions qui continuent à traverser le milieu activiste numérique : faut-il privilégier l’identification de l’ennemi et les cibles à détruire (stratégie Hulk) ou la construction de technologies autonomes (stratégie Spiderman) ? A l’heure où la « dégooglisation » semble un préalable à la reconquête de la liberté numérique, le panel de solutions libres est large, mature et compétitif. Reste à persuader tout le monde de rompre avec les mauvaises habitudes…
Les captations vidéo du Jardin entropique seront mises en ligne prochainement