Mais qu’est-ce qu’une RepRap, une fraiseuse numérique ou l’open source? Allez donc demander à Monsieur Bidouille, le Youtubeur qui explique et décortique la culture DiY.
(Lyon, envoyée spéciale)
Une bière à la main et la voix chantante du natif d’Ardèche, Dimitri Ferrière, alias Monsieur Bidouille, est à première vue à l’image de son avatar numérique, sympa, drôle… mais précis : il est un « vidéaste amateur » plutôt qu’un Youtubeur, corrige-t-il d’emblée : « Si un jour Youtube n’existe plus, j’irai ailleurs. » En attendant, son style emprunte bien à celui des Cyprien, Norman et autres stars du Web — ou, pour rester dans le répertoire, à Mr Antoine Daniel (What The Cut) ou au Joueur du grenier.
Y’a t-il un Youtubeur maker dans l’Internet ?
C’est d’ailleurs en regardant ces chaînes que Dimitri s’est dit qu’il y avait un créneau à prendre. « Il commençait à y avoir des vidéos orientées science et vulgarisation, comme e-penser ou DirtyBiology. Ce sont des expériences impressionnantes, du «C’est pas sorcier» en style Youtubeur, ou des vidéos de vulgarisation. Il y en a une sur l’effet Venturi, beaucoup sur des scientifiques connus. »
Côté maker, en revanche, l’approche Youtube est encore minimaliste, remarque Dimitri. « Pour la plupart, ce sont des tutos. C’est génial mais il n’y a pas le côté culture maker : comment ça marche, comment on fait. » Il se met donc au montage sur Adobe Première, se réconcilie avec Solidworks, découvre After Effects et lance sa chaîne Youtube en novembre 2013, qu’il intitule Monsieur Bidouille. Face caméra, et avec une régularité toute relative, il explique avec humour les composantes de la culture maker : l’impression 3D, la découpe laser, le libre logiciel ou les fablabs.
Les fablabs expliqués par Monsieur Bidouille (2014) :
Le Hello World de l’Arduino
Mais qu’est-ce que la culture maker, selon M. Bidouille ? Voilà une vaste question – qui fait plutôt marrer Dimitri. Il est pourtant plutôt bien intégré dans le milieu et fin observateur : étudiant en sociologie, il est aussi trésorier et animateur à la Fabrique d’Objets Libres de Lyon. Il travaille à l’ouverture d’un fablab à Vaulx-en-Velin pour son stage de fin d’études. Mais il reconnaît : « Je n’ai pas de définition stricte. Je parle des fablabs, des machines qu’on retrouve le plus, du libre, de l’open source, plein d’éléments qui j’espère vont construire ma définition de la signification de maker. C’est une réflexion en marche. » Une réflexion qu’il appuie sur une littérature sociologique grandissante, avec en chef de file le sociologue français Michel Lallement et son livre L’Âge du faire (dont on a parlé par ici).
Dimitri, 26 ans, s’adresse à un public plutôt débutant et espère recruter quelques personnes issues de la culture geek et populaire. « Il faut que ce soit très simple et très synthétique. Dans le montage vidéo, j’essaie de mettre des vannes un peu geek et des private jokes pour les makers. » Comme des références à Matrix ou Star Wars, comme faire clignoter une LED, le « Hello World de l’Arduino ».
L’Arduino expliqué par Monsieur Bidouille (2015) :
Bazar sémantique
Être drôle et énergique sans tomber dans l’hyper-vulgarisation, voilà son crédo. « J’essaie de trouver les bons mots. Quand on arrive dans un fablab on est souvent paumé par la sémantique. Le truc classique c’est les axes. On se dit que l’axe Y ne marche pas alors qu’en fait c’est l’axe X. Si on n’a pas ce jargon, il est difficile d’expliquer un problème à quelqu’un d’autre. »
Une pédagogie qu’il travaille tous les jours lorsqu’il faut expliquer son projet de fablab aux élus locaux, raconte-t-il. « Ils ne comprennent rien. Mais ce n’est pas de leur faute, c’est un bazar sémantique pas possible : à Lyon on a I.D.E.A, un fablab éducationnel centré sur l’école ; You Factory, une usine collaborative qui n’est pas un fablab, pas un makerspace, mais qui est orientée vers les professionnels avec des formations et de la location de machines. Et puis il y a la Fabrique d’Objets Libres, un fablab au sens MIT du terme, La Paillasse, tiers lieu bio-hacklab, le LOL qui est un hackerspace…. C’est normal qu’ils n’y comprennent plus rien. »
Pour l’instant, selon les standards Youtube, M. Bidouille est une chaîne plutôt confidentielle. Il a 1.600 abonnés et ses vidéos naviguent à quelques milliers – parfois dizaines de milliers – de vues. Avec, tout de même, un pic à 48.000 vues pour sa première vidéo sur l’impression 3D.
Petit à petit, une communauté commence à se créer et les commentaires sont à chaque fois dithyrambiques. « On s’en sert dans les fablabs pour expliquer les machines, détaille Dimitri. Il y a aussi des lycéens qui m’écrivent à propos de leurs études ou des gens qui me prennent pour un testeur d’imprimante 3D. Généralement, je les redirige vers des forums, je ne suis pas l’UFC que choisir », rigole-t-il. So digital native.