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Le jeu (de dupes) de 1000 Galantes

«1000 Galantes», le prototype de jeu au laser du collectif One Life Remains. © André Berlemont

«1000 Galantes» du collectif expérimental One Life Remains s’apparente à un jeu collaboratif grandeur nature. Jusqu’à 25 personnes peuvent interagir à l’aide de pointeurs laser sur un espace volontairement non défini. Doublant ainsi l’effet proto: à l’écran et entre joueurs.

Le jeu participatif 1000 Galantes du collectif expérimental One Life Remains est un intrigant exercice chorégraphique de formes géométriques dirigées sur écran à partir de pointeurs laser faisant interagir simultanément jusqu’à 25 joueurs. Est-ce un jeu, une expérience sociale ou bien une œuvre d’art ? 1000 Galantes est né d’une game jam organisée à Nantes par Stereolux en février 2013. « L’équipe de l’association lilloise Rencontres Audiovisuelles nous avait prêté leurs pointeurs laser, explique Brice Roy, du collectif One Life Remains, ce qui nous a permis de nous familiariser avec la technologie, mais aussi d’identifier les gestes, postures et interactions amenées par un dispositif de ce type. En résidence quelques mois plus tard, nous l’avons stabilisé et développé les pistes esthétiques que nous avions commencé à dégager. Le gameplay et la nature du projet artistique ont beaucoup évolué. »

Au croisement des arts numériques et du jeu vidéo, One Life Remains, cofondé par le game designer André Berlemont et Brice Roy, formé à la philosophie, et dans lequel on retrouve Kevin Lesur, développeur, Franck Weber, designer sonore, et Simon Bachelier, curateur, reste fidèle à sa logique de création essentiellement ludique, entre jeu indépendant et jeu expérimental. (MAJ: le collectif nous a signalé depuis la mise en ligne que Simon Bachelier ne fait plus partie de One Life Remains)

Aperçu de 1000 Galantes à A Maze festival, 2013: 

1000 Galantes by one life remains #amazefest

Un « vrai-faux » jeu collaboratif
1000 Galantes, déjà présenté à L’Hybride et à la Gare Saint-Sauveur de Lille, à Berlin et au Lieu Multiple de Poitiers, est un dispositif aux dimensions conséquentes qui nécessite un espace de 100 à 200 m² de type black box et une surface de projection de 6 X 4 mètres environ (voir par ici une vidéo de leur première résidence).

« Le moment de la découverte de l’œuvre est décisive », explique Brice Roy. Comme la configuration de la pièce induit un ballet omniprésent des lasers des joueurs vers l’écran, c’est d’abord un véritable travail de médiation que l’œuvre suppose.

« Certes, jusqu’à 25 personnes peuvent interagir simultanément au sein du dispositif, chacune dotée d’un pointeur laser. Mais à aucun moment on ne vient leur donner d’information sur ce qu’elles sont censées faire, ni sur la manière de le faire. In fine, il est bien nécessaire de collaborer, mais cette information n’est jamais donnée aux joueurs, qui peuvent fort bien interagir chacun de leur côté, pointer les formes qui surgissent pour les faire apparaître et évoluer sans chercher à collaborer ensemble. »

L’interface de «1000 Galantes», volontairement hermétique, renforce l’effet boîte noire. © André Berlemont

De fait, le collectif rejette l’expression de jeu collaboratif. « Dans 1000 Galantes, rien n’interdit aux joueurs de se gêner les uns les autres », poursuit Brice Roy. « La démarche de One Life Remains ne consiste pas à faire du jeu “social”. Sur 1000 Galantes, elle consiste à interroger la figure de la boîte noire. Quand vous utilisez un dispositif numérique, vous n’avez jamais accès qu’à des feedbacks, à des interprétations visuelles et sonores qui peuvent vous donner une idée de la nature du système. Mais au final, un programme informatique reste quelque chose de fondamentalement hermétique, comme enclos en lui-même. 1000 Galantes s’appuie sur cet effet boîte noire : en ne fournissant aucune information au public sur la nature de l’objet avec lequel il peut interagir, nous le laissons forger ses propres hypothèses. Nous le laissons découvrir par lui-même la manière dont le dispositif réagit à la présence et à la position des pointeurs, sans lui indiquer s’il y a quelque chose à découvrir, s’il y a un but à rechercher, à atteindre, ou si au contraire il s’agit seulement d’un objet interactif. »

1000 Galantes reste une expérience ludique que l’on peut très bien aborder sans savoir que l’on a affaire à un jeu. « D’une certaine manière, le but ou le principe de l’œuvre est peut-être d’amener le public à statuer sur la nature de l’objet qu’on lui propose », avance Brice Roy.

Résidence au Château Ephémère

Car 1000 Galantes est encore loin d’être achevé : une nouvelle résidence de création portée par l’association Musique et Cultures Digitales (MCD) en septembre-octobre prochains, au Château Ephémère, fabrique sonore et numérique en région parisienne, devrait permettre d’améliorer le dispositif, notamment en termes d’environnement sonore.

« Nous souhaitons tester la robustesse du système sonore, encore embryonnaire dans le jeu, et notamment l’activité des joueurs et l’impact de leur nombre sur la composition, explique Frank Weber. Nous voulons aussi travailler en profondeur sur les timbres et la couleur instrumentale. Même si la force structurante du gameplay impose des contraintes fortes à la composition, elle repose pour une grande part sur l’émergence de formes et l’étirement de texture dans une dimension. Le tempo très lent de 1000 Galantes interdit une vision d’ensemble de l’œuvre ou du système, c’est un stratagème susceptible de cacher le fonctionnement du jeu et de la composition. »

Plus d’infos sur le site de One Life Remains et sur leur page Facebook