Makery

Casser du circuit électronique à Lagos, Nigéria

Alaba, Lagos, Nigéria, le plus grand marché électronique du pays, celui de la récup aussi (capture écran). © Shu Lea Cheang

De Londres à Lagos en passant par la Chine, des artistes, chercheurs et théoriciens étudient le circuit des déchets électroniques à l’ère de l’obsolescence programmée. L’artiste Shu Lea Cheang rapporte une vidéo de sa semaine à Alaba, le plus grand marché de la récup’ électronique nigérian.  

Champ de déchets pour vache nigériane… © Shu Lea Cheang

Basiru dissèque toute la journée des cartes de circuits imprimés sur le marché de l’électronique Alaba de Lagos, le plus grand du genre au Nigéria. Alaba réunit quelque 5 000 commerces d’électronique et des centaines d’artisans et revendique officiellement des échanges commerciaux pour 2 millions de personnes par jour… Shu Lea Cheang, artiste hacktiviste américaine d’origine taïwanaise, a accompagné le jeune homme pendant une semaine, en février, pour en tirer cette vidéo :

Du tas d’ordures électroniques, Basiru, 26 ans, tire ses revenus. Pourtant, les cours des matériaux de récup’ ne sont pas florissants : l’aluminium se revend 170 nairas nigérians (ngn) le kilo (0,79 €), le cuivre est à 1000 ngn le kilo (4,63 €)… 

Des écrans perdus, pas pour tout le monde. © Shu Lea Cheang 

Shu Lea Cheang a passé une semaine à casser du circuit elle aussi dans ce « paysage fictionnalisé », comme elle le décrit, où « les vaches errent sur le tas d’e-déchets », dans un vacarme incessant où ça cogne au marteau, ça dévisse, ça martèle…

« C’est un peu la cité de l’électronique : quand on arrive à Alaba, on voit d’abord tout un tas de boutiques, du plasma fantaisie, des haut-parleurs, de l’électronique d’occasion. Puis on accède à la partie ‘poubelle’, avec cet immense dépotoir de déchets électroniques, où près de 100 personnes vivent et travaillent quotidiennement. » 

Ils sont une bonne centaine à travailler à la récup d’e-déchets à Alaba. © Shu Lea Cheang

Sa vidéo Iletronis fait partie d’un projet de recherche art-science porté par The Royal Central School of Speech and Drama à l’Université de Londres, qui engage artistes, chercheurs et théoriciens de la culture à « explorer la matérialité des appareils obsolètes mis au rebut », de Hong Kong à Guiyu, en Chine, de Lagos à Londres.

Intitulé Bodies of Planned Obsolescence, le projet a ainsi entraîné un groupe de sept artistes et performeurs, théoriciens et scientifiques britanniques, américain, nigérian et néerlandais à arpenter courant février 2015 les faubourgs de Lagos, entre casses et marchés d’occasion, avant d’entamer un workshop au sein de la casse électronique d’Alaba.

Prochaine étape du projet en juin 2015 (du 29/6 au 4/7), dans l’ouest londonien, au Watermans Arts Center en partenariat avec la plateforme Digital Future au Victoria and Albert Museum pour une restitution sous forme de symposium, performance et exposition.

Le site collectif art-science Bodies of Planned Obsolescence