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Le réveil de la Chine et ses hackerspaces, par Mitch Altman

Apprentissage du fraisage à la CNC au Collège Tianjin de Mécanique et d’Électricité, en 2014. © Mitch Altman

«Les hackerspaces sont en plein essor en Chine», écrit Mitch Altman. Le co-fondateur du hackerspace Noisebridge à San Francisco y organise des Hacker Trips depuis quelques années. En exclusivité pour Makery, son point de vue sur cette scène émergente.

Texte et photos Mitch Altman

Grande nouvelle ! En janvier, le Premier ministre chinois a visité en grande pompe le hackerspace populaire à Shenzhen, grande ville du sud et plus grand centre de production électronique de Chine. Il a mis à profit sa visite pour souligner le rôle de l’innovation dans le développement de l’économie chinoise.

Les hackerspaces sont en plein essor en Chine ! 

En janvier 2015, le Premier ministre Li a visité le hackerspace Chaihuo. En 2013, une foule assistait au même endroit à la présentation du groupe international de hackers que j’avais réunis.

Bien que sans précédent dans l’histoire de la Chine, l’attente à été longue. Depuis mon premier voyage ici en 1998, quand l’environnement social et politique était plutôt fermé, j’ai vu la Chine s’ouvrir et prendre des directions positives, économiquement et socialement.

Place Tienanmen, souvent un symbole du passé peu ouvert de la Chine, Beijing.

Puisque la Chine possède des ressources en abondance pour la production et la création de pratiquement n’importe quoi, j’ai choisi de fabriquer ici mon produit, les télécommandes universelles TV‐B‐Gone (un simple porte-clé qui éteint les télévisions dans les endroits publics). J’ai choisi un endroit qui traite bien ses employés, les paie bien, fournit de la bonne qualité, et me donne un prix qui rend mon produit viable. Je rends visite à mon fabricant tous les ans depuis 2003, et à chaque voyage, je rencontre des gens.

La première chaîne de montage TV‐B‐Gone en Chine, 2004.

Ces visites annuelles m’ont donné des occasions uniques de créer des aperçus personnels annuels de la manière dont la Chine était en train de changer. En tant que co-fondateur du hackerspace Noisebridge à San Francisco, ces voyages m’ont aussi donné l’occasion de parler à de nombreuses personnes des hackerspaces et de leurs avantages. La Chine a besoin de hackerspaces ! Et elle y est préparée. Pour montrer ce que la Chine a à offrir, j’ai commencé en 2009 à amener avec moi un groupe de dix hackers du monde entier lors de mes voyages annuels. Durant mes deux premiers « Hacker Trips » en Chine, nous avons rendu visite à mon fabricant et à d’autres entreprises. Il n’y avait pas de hackerspaces à l’époque. Mais partout où nous allions, nous étions pris en charge par des geeks locaux. Et bien sûr, nous avons parlé à tout le monde de hackerspaces. Certains d’entre eux en ont même démarré.

Visite d’un fabricant en 2009.

En 2011, nous sommes aussi allés au premier hackerspace en Chine, XinCheJian à Shanghai, et au Makerspace de Pékin. Nous nous sommes également rendus à la première entreprise d’open hardware, Seeed Studio. Partout, nous avons prononcé des discours et proposé des ateliers. J’ai continué à parler de la nécessité d’avoir des hackerspaces avec les communautés qui les soutiennent. J’ai parlé des besoins en matière d’éducation. J’ai parlé du besoin d’explorer et de faire ce que vous aimez, au lieu de faire juste ce que vous pensez devoir faire, ou simplement faire les choses uniquement pour gagner de l’argent. Plus je prononçais de discours, plus on m’invitait à en prononcer. J’ai rencontré des éducateurs. J’ai rencontré des bureaucrates de l’éducation. J’ai rencontré d’autres bureaucrates. Pour la première fois dans l’histoire de la Chine, le moment était venu pour les bureaucrates d’expérimenter.

Discours au Panasonic Center, Pékin, 2011. 
Partout où se rend notre groupe de hackers, nous avons une large assistance pour nous écouter parler. Ici nous effectuons une présentation au Makerspace de Pékin en 2013.

La Chine a une longue histoire millénaire de conformité. Des siècles de confucianisme ont solidifié les aspects d’obligation et de conformité. Plus récemment, la Révolution culturelle a détruit toute possibilité d’exploration créative pour des générations. A la suite de ces décennies économiquement désastreuses et vides en matière de création, les ouvertures économiques ont rempli une grande partie du vide avec le capitalisme et le consumérisme.

Certains aspects de la lente guérison de la Révolution culturelle ont commencé à devenir apparents en 2010, après l’afflux de visiteurs pour les Jeux Olympiques. Les citoyens étaient plus ouverts à la conversation. Les gens parlaient franchement des avantages et désavantages de leur société. Les gens parlaient ouvertement de politique. Il y a eu des ouvertures pour l’expérimentation par les bureaucrates, avec des encouragements d’en haut par le silence (plutôt que d’être congédiés, ou pire, comme ç’aurait été le cas dans un passé pas si lointain). Certains bureaucrates qui ont expérimenté ont été promus. D’autres aspects de la culture ont commencé à se développer. L’économie a progressé. De plus en plus de personnes avaient des opportunités.

Un jeu de société occidental populaire est sorti en Chine en 2010. Le voir aujourd’hui dans un magasin à Pékin semblerait normal, en 2010, les Occidentaux trouvaient cela très ironique.

Certains aspects de l’innovation et de la créativité requièrent des manières de voir et d’être qui peuvent poser des difficultés pour certaines caractéristiques de la culture traditionnelle chinoise. Il existe une peur de l’expérimentation parce qu’échouer signifie « perdre la face ».

On encourage l’apprentissage et la créativité dans un atelier de soudure au carnaval maker à Pékin en 2012.

Ces dernières années, des bureaucrates situés en haut de la pyramide ont pris conscience du phénomène au fur et à mesure que des expérimentations tenues dans des hackerspaces en Chine et ailleurs se sont montrées efficaces pour l’éducation et l’économie. La Chine doit encourager les gens à explorer et créer, innover, essayer des choses, voir ce qui marche et ce qui ne marche pas, à trouver des biens et services qui sont parfaits pour la Chine. Et les hackerspaces sont parfaits pour cela.

Toyhouse, le premier hackerspace dans une université chinoise, a démarré à l’université de Tsinghua en 2012.

L’université de Tsinghua, considérée comme l’une des universités les plus prestigieuses en Chine, est en train de construire un bâtiment de 16 000 m2 qui deviendra le plus grand hackerspace du monde. Il sera utilisé comme centre de programme d’enseignement pour tous les étudiants de l’université. Grâce au prestige de Tsinghua, son président espère que cela s’étendra. Pour contribuer à célébrer la créativité et l’innovation qu’offrent les hackerspaces, Tsinghua a créé la journée annuelle des Makers de Tsinghua, dont la première édition a eu lieu l’année dernière.

Notre groupe de hackers a effectué des présentations à la première journée annuelle des Makers de Tsinghua.

On m’a invité à rencontrer le président du Collège Tianjin de Mécanique et d’Électricité. Ils sont également en train de créer des hackerspaces au cœur de leur programme pédagogique. D’autres universités et écoles suivent le mouvement.

De nombreuses petites entreprises se sont développées à partir de hackerspaces. C’est pourquoi l’économie locale est souvent relancée par les hackerspaces. Pour ces raisons et plus encore, le gouvernement en Chine est enclin à créer plus de hackerspaces.

DFRobot est une compagnie de robotique qui a démarré son activité au hackerspace XinCheJian à Shanghai. Notre groupe international de hackers y est allé en 2014.

Puisque les start-up de hardware continuent à se développer et proliférer partout dans le monde, les entreprises accompagnant des start-up de hardware voient l’avantage d’utiliser ce que la Chine a à offrir. HAXL8R, pour lequel je suis un mentor, est la première pépinière de hardware à encourager les entrepreneurs internationaux à venir en Chine. En plus d’aider ces personnes à fonder leur start-up, elle espère que les influences créatives externes seront contagieuses pour le peuple chinois. Cela marche bien car il y a des entreprises chinoises comme Makeblock qui se sont développées à travers HAXLR8R.

En 2014, notre groupe de hackers est allé à Makeblock, une entreprise qui fabrique des kits robots. Leur bureau ressemble à un hackerspace géant.

L’industrie prend aussi le train en marche et le fait avancer. En novembre 2014, le groupe de hackers que j’ai mandaté pour voyager en Chine a été invité à 3nod, une grosse entreprise chinoise d’électronique grand public. Nous avons rencontré le PDG dans son bureau et avons discuté de comment 3nod pourrait créer un hackerspace au sein de son entreprise. Il veut que ce hackerspace soit une ressource pour tout Shenzhen.

Notre groupe de hackers a été accueilli à 3nod, une grosse entreprise d’électronique grand public.

Les choses bougent vite en Chine !

Lorsque nous avons visité le hackerspace de Chaihuo au début de l’année, le premier ministre Li Keqiang a promis de « créer une nouvelle plateforme pour l’innovation et cultiver une ‘culture maker’ dans le pays. » Ce fut une nouvelle majeure pour tous les médias dans toute la Chine. Et il semblerait que tous les bureaucrates chinois aient dorénavant le sentiment qu’il doivent prendre le train du hackerspace en marche.

La Chine a une culture pyramidale. Pour créer le changement, les bureaucrates du haut veulent pousser le changement du haut vers le bas pour encourager la créativité, l’innovation, la communauté, et l’entreprenariat du bas vers le haut. En fournissant quelques ressources du haut vers le bas, les personnes qui veulent des hackerspaces peuvent créer des hackerspaces, du bas vers le haut, qui vont être des communautés fantastiques, uniques. Ceci marche tellement bien, pour tant de personnes, et avec si peu d’argent !

Ça va aider l’éducation. Ça va aider à encourager la créativité et l’innovation. Ça va aider les individus. Ça sera bon pour les économies locales et l’économie chinoise dans son ensemble. Et, puisque la Chine représente un septième de la population mondiale, j’espère que ça sera bon pour le monde entier –surtout, puisque d’autres lieux dans le monde verront ces succès, le reste du monde suivra l’exemple de la Chine.