Avec son installation interactive et comestible le «Bar à j’USB», le bio-artiste transmédia Mael Le Mée expérimente la communication entre une orange pressée et des fichiers musicaux : une « exfruiltration » juteuse !
Les amateurs de pléonasme et d’expériences de fooding numérique sirupeuses n’ont qu’à bien se tenir ! Avec son Bar à j’USB, l’artiste Mael Le Mée offre une plongée drôlatique dans un univers connecté loufoque où orange pressée et fichiers MP3 s’entrecroisent pour une expérience d’écoute immersive qui a du goût.
Bande-annonce mitonnée par Mael Le Mée de sa performance « Bar à j’USB » :
Pour mieux accompagner son public dans cette digression tendance cocktail 2.0, Mael Le Mée sait mettre les formes, comme en décembre 2014 au Mucem marseillais, ou en ouverture du festival Electrochoc à Bourgoin, du 14 au 28 mars.
Face à un public autant amusé que perplexe, il distribue en bon maître de cérémonie des oranges avec pour consigne de les affubler d’un joli nom et de bien les malaxer, sur le dos de son voisin de préférence. Cette première étape franchie, il invite les convives à se présenter devant son bar à jus où l’expérience d’« écoute de musique fruiltrée en buvant un bon jus d’orange informé » va se concrétiser.
Ce bar a d’ailleurs fière allure avec son port USB niché dans un mini-pot de fleur, son capteur USB audio, ses électrodes équipées d’aiguilles, son fréquencemètre, son pressoir à jus, et bien sûr, en bout de table, le siège équipé d’un casque où l’on va pouvoir siroter son jus tout en écoutant le résultat de ce curieux « soundshake », avec parfois un certain humour réciproque – comme cette personne à Bourgoin qui choisit le 4’33 de John Cage (pour mémoire, une composition de silence).
En écoutant Mael Le Mée expliquer le concept, l’expérience prend pourtant un tour un tantinet plus sérieux, surtout quand on sait qu’elle s’inscrit dans un projet plus large de communication entre végétaux comestibles et ordinateurs via connectique USB, baptisé FrUSBits & LégUSBmes, dans le cadre duquel l’artiste se revendiquant d’une culture bio numérique et transmédiale (sic) s’est déjà attelé à la réalisation d’un véritable potager USB.
« Les formes produites par ma compagnie ne relèvent pas du “transmédia”, cet épuisement commercial d’un univers narratif au travers d’un maximum de terminaux de consommation de contenus audiovisuels, mais de la transmédialité : un glissement continu de sens et de sensations d’un média à un autre, résonnant et raisonnant ensemble dans le corps des spectateurs. Nous ne travaillons pas dans l’économie de l’attention cérébrale, mais à l’écologie de la perception humaine. » Mael Le Mée
« L’expérience est simple », explique Mael le Mée. « Le fichier USB choisi par le participant passe dans le fréquencemètre qui le transforme en impulsion analogique électrique, qui passe ensuite dans l’orange en stéréo grâce aux deux paires d’électrodes équipées d’aiguilles. Ce signal repasse ensuite dans le fréquencemètre qui le reconvertit en fichier numérique grâce à sa carte Arduino et l’envoie dans l’ordinateur pour l’écoute du résultat final. Il ne reste plus ensuite qu’à couper l’orange en deux puis à la déguster en écoutant le résultat sonore. »
Ce résultat est d’ailleurs étonnant. Proprement filtré, le son se retrouve pétri de nouvelles résonances. « L’orange avec les cavités de ses parties internes offre certaines résonances. Mais on a aussi placé quelques presets dans le fréquencemètre pour trouver les meilleurs moyens de faire résonner le son », concède Mael Le Mée entre deux pressages de fruits. « Cependant, l’orange présente l’intérêt d’être un fruit très aqueux, donc très conducteur. Il a aussi une symbolique. C’est un fruit du quotidien. On ferait ça avec une mangue ou une papaye, ça n’aurait pas autant d’impact. »
Le « Bar à j’USB », performance au MuCEM, décembre 2014 (vidéo Hadrien Bels) :
La banane à 2 bits d’information
Qu’on se rassure, le choix de l’orange ne traduit pas un sens du conformisme outrancier. La preuve, les prochaines étapes du projet s’annoncent tout aussi juteuses. « En ce moment, je travaille sur un chat avec des tomates. J’essaie aussi de télécharger dans une pomme de terre la recette du gratin dauphinois ou de pouvoir transformer une banane en clé USB. Je suis déjà parvenu à stocker 2 bits d’information dans une banane pendant 27 secondes. » Avec l’agent orange Mael Le Mée, le végétarisme numérique a en tout cas sa voie toute tracée.