Makery

3 200 000 dollars pour du miel de ruche « au robinet »

Le futur « distributeur automatique » de miel ? © Flow Hive

3,2 millions de dollars pour des ruches d’où le miel s’écoule « tout seul ». Le prototype venu d’Australie explose les compteurs de sa campagne de crowdfunding et enflamme les apprentis apiculteurs. Makery a voulu en savoir plus…

Menacées, omniprésentes dans les médias, objets de nombreux projets de labs (ruches open source, capteurs pour ruches…), et élevées en pleine ville, les abeilles ont la cote. Supplantant les ruches sur les toits de Lyon ou Paris, le projet Flow Hive pulvérise actuellement le compteur de sa campagne de financement participatif : près de 4.600% des 70.000 dollars initialement demandés le 22 février ont été récoltés, soit environ 3,2 millions de dollars !

Du miel au robinet

L’effet wahou en introduction de la vidéo de présentation. © Flow Hive

3,2 millions de dollars pour un système permettant de remplir un pot de miel grâce à un robinet à la sortie de la ruche. Au lieu de devoir enfumer les abeilles, sortir les cadres, les placer sur une centrifugeuse, extraire le miel, replacer les cadres, puis filtrer le miel de toutes ses impuretés, le projet Flow Hive prédit à ses contributeurs un avenir d’apiculture radieux, « la plus grande innovation en apiculture depuis 1852 » –1852 étant la date du dépôt de brevet du système de ruche.

En toute modestie, la famille Anderson promet des pots de miel pur grâce à un simple mécanisme : en tournant un robinet, les rayons de miel s’ouvrent et laissent couler le miel qu’ils contiennent dans le fond de la ruche, puis dans un tuyau versant finalement le miel dans un récipient (le système est breveté). Plus besoin de manipuler les cadres recouverts d’abeilles.

Une fois les rayons ouverts, le miel n’a plus qu’à couler en zig-zag jusqu’en bas. © Flow Hive

 Apiculteurs sceptiques

« C’est un gadget pour apiculteur amateur. Aucun professionnel ne sera intéressé. » Bruno Petit, apiculteur

Bruno Petit, apiculteur chez Miel Paris, soulève plusieurs questions à la vue de ce projet. « Le système ne s’adapte pas à n’importe quelle marque de ruche, explique Bruno Petit. Dadant, la marque la plus répandue en France, n’est pas compatible par exemple. » Sans compter que tous les types de miel ne peuvent pas s’extraire de cette manière. « Seuls les miels très liquides et cultivés par temps chaud s’écouleront correctement, ajoute Bruno Petit. La récolte de printemps est un miel qui cristallise très vite. S’il fait un peu frais, le miel va cristalliser dans le tube et boucher le système. Cela ne peut pas fonctionner avec du miel de bruyère par exemple ou d’autres miels très visqueux. »

La démonstration de la vidéo utilise un miel particulièrement liquide. © Flow Hive

Bruno Petit n’est pas le seul à être sceptique. Sur l’un des principaux forums d’apiculteurs dans le monde, Beesource.com, les avis convergent : d’un point de vue professionnel, ce système n’est pas intéressant. « La récolte est la partie la plus rapide et la moins technique du métier, explique Bruno Petit. Les récoltes et l’extraction du miel occupent de l’ordre de 3% du temps de travail d’une saison. »

Flow Hive utilise la force gravitationnelle pour faire couler le miel hors des rayons, alors que les professionnels utilisent des centrifugeuses tournant à plusieurs centaines de tours par minute. Même de cette façon, « on a parfois du mal à extraire le miel, ajoute Bruno Petit. Au printemps 2014 par exemple, le miel était tellement cristallisé qu’on a perdu 15% de la récolte. Uniquement avec la force gravitationnelle, les pertes auraient été encore plus lourdes. »

Pour amateurs… riches

Même s’il s’adresse uniquement aux amateurs, le projet n’en reste pas moins « horriblement cher » selon un membre du forum Beesource.com. La ruche coûte au total 600 dollars, quand les amateurs confirmés assurent monter une ruche « pour environ 140 dollars ».

Flow Hive déçoit les rêveurs s’imaginant déjà d’immenses fermes de ruches toutes reliées par de long tuyaux à un non moins immense container. Mais le projet ravit de nombreux backyarders, des apiculteurs aspirants, du fond du jardin. Ils sont en tout cas plus de 7.700 à avoir pré-commandé quelques rayons ou une ruche entière Flow Hive, séduits par la promesse d’un distributeur automatique de miel prêt à consommer (abeilles non fournies).

Certains commencent cependant à découvrir la réalité de l’apiculture via le groupe Facebook Flow Hive Beekeeping. Eh oui, il va sans doute falloir ouvrir la ruche un jour ou l’autre pour la nettoyer avant l’hiver, et traiter les abeilles contre les pesticides, maladies et autres parasites qui ravagent les insectes rayés à travers le monde.

Voir la vidéo de présentation de Flow Hive (en anglais)