L’Axiom est la toute première caméra numérique open source. Un projet porté par une communauté de pros du cinéma qui en avaient assez de ne pas avoir la main. Présentée au Festival international du court métrage de Clermont, l’Axiom sort ses 500 premières bêtas en mars prochain.
Clermont-Ferrand, envoyée spéciale
Pour sa première rencontre officielle avec le milieu du cinéma, l’Axiom a choisi le Festival international du film du court-métrage de Clermont-Ferrand et plus précisément sa partie « laboratoire », l’Atelier, école éphémère du cinéma qui réunit étudiants en archi, en effets spéciaux, apprentis acteurs et studios de création pendant toute la semaine que dure le festival, du 1er au 7 février 2015.
Au rez-de-chaussée de l’école d’architecture de Clermont-Ferrand, ça grouille et ça s’agite dans tous les sens : une imprimante 3D sort des modèles de personnages miniature pour insertion dans la partie effets spéciaux, menée par l’école ArtFX de Montpellier. Un peu plus loin, on tourne en 3D une scène de Police, avec un public affublé de lunettes en carton pour suivre en live le making-of. Encore un peu plus loin, l’équipe d’Apertus présente la version alpha de la toute première caméra numérique de qualité professionnelle open source, l’Axiom.
Apertus (« ouverture » en latin) réunit une communauté internationale à partir de la Belgique principalement (le principal développeur est autrichien) de professionnels du cinéma qui en avaient assez de dépendre des géants de l’industrie et leurs formats fermés. A Clermont, Philippe Jadin, passé de ses installs vidéos à la communication de la communauté Apertus, démonte le tout premier prototype, l’alpha, avec son capteur 4K au format Super 35 (« le seul disponible sur le marché, puisque les vendeurs de caméra évidemment ne vendent pas leurs modules séparément », explique-t-il), sa carte électronique, un ZedBoard et un boîtier en plexiglas. Le tout, même harnaché habilement, reste assez volumineux et peu pratique.
Cela n’a pas empêché certains participants de l’Atelier de le tester en direct, pour réaliser le tout premier court-métrage de fiction filmé en caméra numérique open source : l’histoire d’une jeune mariée qui plaque tout pour suivre un cycliste. Le tout imaginé, tourné, monté en 48 heures, avec la mariée frigorifiée devant la cathédrale noire de Clermont… Un véritable exploit qui reflète bien l’état d’esprit de cette semaine d’Atelier, où les spécialistes des effets spéciaux mettent la main à la pâte pour gratter la pellicule et les professionnels accrédités au festival passent une tête, découvrent de nouvelles façons de concevoir des images au côté des scolaires traditionnellement en nombre pendant le festival.
Le conte de fées du proto open source
L’histoire de la caméra open source Axiom est en soi une sorte de conte de fées du proto open source. Il était une fois donc, des pros du ciné qui s’étaient retrouvés autour de l’envie de soulever le capot de leurs caméras, des chefs op’ qui désiraient « expérimenter sur la lumière et l’optique au moment de la prise de vues » et qui, dès 2006, montent une plate-forme web pour échanger et partager leurs trouvailles. En 2012, l’Axiom décroche un prix Ars Electronica au festival des nouveaux médias de Linz (Autriche), qui leur permet de passer à la phase active de prototypage.
En 2014, la fine équipe lance une campagne sur Indiegogo… et atteint 175% des fonds demandés, soit 204.568 euros. Quelque 500 donateurs investissent 300€ en échange de la promesse d’obtenir les premières bêtas à prix coûtant, soit 2.000€. Le « coup de pouce » de la communauté Magic Lantern, les hackers des optiques Canon, qui encensent le projet sur leur forum, a été « déterminant », explique Philippe Jadin.
En mars prochain sortiront les 500 premières bêtas, avec une carte électronique miniaturisée, la Micro Zed et son processeur Dualcore (équivalent à la puissance d’un smartphone) doté d’un composant électronique capable de gérer les images. Soit des caméras de la taille d’un appareil photo, « entre la Gopro et le Nikon ». Pour couronner cette success-story, le projet Axiom vient de recevoir le soutien de l’Europe avec un financement Horizon 2020 qui permet à l’équipe d’envisager tranquillement son développement sur dix-huit mois.
Evidemment, il reste deux ou trois petites choses à améliorer, « enlever la trame fixe » ou encore « rendre la caméra plus linéaire », ajoute Philippe Jadin. N’empêche, dans le champ des initiatives cinématographiques numériques, totalement verrouillées par les six géants hollywoodiens (Metro-Goldwyn-Mayer, Paramount Pictures, Sony Pictures Entertainment, 20th Century Fox, Universal Studios, The Walt Disney Company et Warner Bros), le projet Axiom ouvre tout un tas de perspectives.
« Désormais, on peut tester et faire des choix pendant le tournage en pas uniquement en post-production. » Philippe Jadin
« C’est comme si on avait un mini-labo à l’intérieur de la caméra qui développe l’image, explique Philippe Jadin. Avec les nouvelles caméras numériques, on ne choisit rien. Si vous voulez par exemple enregistrer une image toutes les minutes pendant 20 jours, avec l’Axiom, c’est possible. Si vous voulez filmer 27 images par seconde, c’est possible. L’Axiom peut être utile pour les applis bizarres, pour les drones, etc. »
Devant ses écrans, le monteur fatigué du court de fiction réalisé avec l’Axiom alpha résume : « Ce qui est bien, c’est qu’on peut tenter pas mal de choses au tournage. » Et Claude Duty, réalisateur tous supports qui a suivi les explications tout en découvrant le concept d’open source filme l’ensemble avec son iPhone, enthousiaste comme au premier jour.
Tout savoir des développements de la caméra Axiom: AXIOM Team Talk (en anglais)