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SPQwoRk : visite d’un «container de talents» à Rome

Vérification d'une pièce imprimée la veille au fablab SPQwoRk. © Delphine Bézier

Makery vous emmène chez SPQwoRk, un fablab et un espace de coworking du quartier Tiburtina à Rome. En façade, un logo «usine» à la façon de l’Atelier Populaire joue avec l’acronyme emblême officiel de la ville de Rome.

Rome, envoyé spécial

Incubateur, pépinière, ruche, fablab, on connaît. « Container de talents »… mà que ? Pour arriver au fablab SPQwoRk, il faut d’abord passer une porte où une vingtaine de plaques d’entreprises de communication, vidéo, web, design, etc., indiquent qu’il s’agit là d’un hub de l’économie numérique romaine.

Au sol, sur l’escalier qui mène à l’accueil, un lettrage stipule «Talents Container» ; à l’accueil, une affiche promeut l’application de réalité augmentée développée dans les murs, une autre indique que le lieu est référencé par l’annuaire géolocalisé 3D Hubs, et la plus grande, intitulée « Coworking », typographiée en plan de métro, cartographie les lieux et activités du réseau SPQwoRk dans le monde, en les typologisant ainsi : « Coworking, Concreteness, Community, Collaboration, Cooperation, Connection, Collective, Cothinking, Cool. »

Tommaso Spagnoli, dans l’un des bureaux de SPQwoRk, fondateur de la marque et du lieu. © Delphine Bézier

Tommaso Spagnoli, 32 ans, est le fondateur de SPQwoRk, la marque qui est aussi le nom du lieu, composé d’un espace de coworking et d’un fablab. L’homme nous accompagne pour explorer la douzaine d’ateliers, bureaux, et studios de cet espace impressionnant de 1.200 m2.

Dans le bâtiment dédié au coworking, 65 professionnels, dont TGX, la société de conseils et de communication de Tommaso, louent un bureau privatif, un simple desk ou une salle de réunion. Un studio de tournage se trouve au rez-de-chaussée.

Le logo joue avec l’acronyme emblême officiel de la ville de Rome : Senatus Populusque Romanus (le Sénat et le peuple romain). © DR

Pour trouver le nouveau fablab, il faut sortir et traverser la cour. Il est en train de déménager depuis ses anciens locaux situés quelques rues plus loin, vers ce nouvel espace bien plus vaste et mieux aménagé. Ce rapprochement géographique avec l’espace de coworking permettra d’augmenter le partage et les échanges de services entre les deux entités, et laissera plus de place aux ateliers artisanaux de couture broderie et tissage qui restent dans les anciens locaux.

En réseau avec des labs européens et israélien

SPQwoRk est en réseau avec les fablabs de Nice, de Tel-Aviv, de Zurich, et à Paris avec Digiscope, le fablab de l’Université Paris-Sud. Les relations de voisinage avec le fablab Roma Makers existent aussi, certains makers sont d’ailleurs membres des deux structures. SPQwoRk est soutenu par la FabFoundation Make In Italy, ce qui lui permet de mettre en place cette année la FabAcademy. Les fameux modules qui forment le cours How to make (almost) Anything de Neil Gershenfeld du MIT, vont être diffusés à partir de la semaine prochaine, à raison d’un par semaine sur 6 mois.

Côté modèle économique, Tommaso a opté depuis deux ans pour une stratégie de réinvestissement total sur 3 ans. Personne n’est encore salarié. Le fablab, fondé dans une logique bottom-up, doit s’autofinancer. Il serait aujourd’hui à l’équilibre. Les revenus provenant de la vente de services de prototypage, de découpe, etc., d’un abonnement de 20€ par an par personne, et d’une contribution en travail de chaque maker selon ses compétences. Le fablab compte aujourd’hui 30 makers inscrits.

Une CNC MechMate

Le fablab est composé d’un atelier central au rez-de chaussée de 400m2, des trois ateliers et du bureau à l’étage. En bas, à côté de deux découpeuses laser, dont l’une est dédiée au fablab et l’autre à la location, trône une grande CNC MechMate construite par Sergio Subrizi, qui l’a apportée au fablab il y a trois semaines. Opérationnelle depuis 4 ans, la CNC, robotisée en partie avec Arduino, permet de travailler sur des surfaces de 170x260x20cm. Sergio Subrizi raconte : « J’avais vu pour la première fois une grosse CNC Hutter. Le projet venait d’un ingénieur en mécanique sud-africain qui construisait un camion de ramassage d’ordures. Le projet open source était une shopbot améliorée. J’ai commencé à l’étudier à travers le forum MechMate. Après six mois, j’ai commencé. Au bout d’un an et demi, j’étais le premier en Italie à l’avoir construite. »

La CNC de Sergio Subrizi est arrivée 3 semaines auparavant au fablab. © SPQwoRk

« Quand j’ai construit la machine, poursuit Sergio, il n’y avait encore aucun fablab à Rome. J’ai rencontré les personnes qui ont monté ensuite Roma Makers dans le quartier Garbatella, dont Stéfano Varano, co-fondateur et fabmanager. Il a été le premier maker que j’ai connu, et il m’a invité à une journée de démonstration avec des imprimantes 3D. Il y avait là les personnes qui organisaient la première Maker Faire et ils m’ont proposé d’y emmener ma MechMate. Là, j’ai découvert le monde des makers, et j’ai rencontré Tommaso qui a vu ma machine, et m’a demandé des informations pour la construire. J’ai fait ici à SPQwoRk ma première intervention pour raconter mon expérience de construction. Après la Maker Faire, je ne voulais plus qu’elle reste dans le garage. Tommaso m’a alors dit “Viens ici, on va agrandir le fablab, on voudrait vraiment t’avoir ici.” Et c’est comme ça que je suis arrivé. Nous allons faire de l’enseignement et continuer à travailler avec la machine. En Italie, on dit “quio fasa se fasa tre”, fais le toi-même pour bien le faire. »

Sergio Subrizi. © Delphine Bézier

Tout un côté de l’atelier de la CNC est bordé d’un long couloir semi-ouvert sur l’extérieur, couvert par des tonnelles, que Tommaso dit vouloir équiper au plus vite en « grill area » avec barbecues, frigos, et canapés. A l’étage, un atelier bois équipé d’une autre découpeuse laser et d’une dégauchisseuse, un atelier de sérigraphie et un troisième local de 140 m2 dédié au biolab qui devrait s’y installer dans les prochaines semaines.

L’atelier bois en phase d’aménagement. © SPQwoRk

Les locaux historiques du fablab sont quelques rues plus loin, dans un bâtiment plus modeste où se trouvent encore les cinq imprimantes 3D. Nous admirons le design high-tech et le fonctionnement quasi silencieux de la Delta Wasp, une imprimante italienne, dont les inventeurs adaptent actuellement une autre de leur machine pour imprimer de la glaise et produire des éléments de construction pour l’habitat en Afrique. Luigi, le maker qui les surveille en écoutant la radio, remplace une bobine de fil dans la Kentstrapper.

La Delta Wasp, une imprimante 3D italienne à chambre fermée. © Delphine Bézier

Au fond de l’atelier, un jeune homme tisse de la laine sur un petit métier. Quelques marches et nous voilà dans l’atelier couture et broderie. Brigitte Krauer travaille à la confection de costumes pour ses spectacles. Elle est l’une des artisans qui vont devoir devenir autonomes pour rester dans les locaux.

Brigitte Krauer conçoit ses costumes dans l’atelier des artisans. © Delphine Bézier

Tommaso Spagnoli retourne à l’organisation du workshop public du week-end à venir. Self made man (il n’a bénéficié ni de prêts bancaires ni de subventions publiques), fabmanager, entrepreneur social, directeur d’une entreprise de communication et responsable d’un espace de co-working… Il est à la tête d’un « container de talents » qui pourrait bien devenir, si ce n’est « le plus grand d’Europe » comme lui le souhaite, en tout cas l’un des plus dynamiques.

Le site de SPQwoRk

Le site de Sergio Subrizi sur la CNC MechMate