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A Yamaguchi, l’Ycam embrasse l’art numérique, du prototype au lab

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Immense complexe dédié aux médias et aux arts numériques, l’Ycam de Yamaguchi ouvre sa production artistique au prototypage et à l’open source, notamment avec le fablab implanté dans ses murs, l’Edu Lab. Portrait intime d’un lieu immense.

Yamaguchi, envoyée spéciale (texte et photos)

Le Centre d’arts et médias de Yamaguchi, l’Ycam, c’est d’abord un lieu. Fort de ses 200.000 habitants, la petite ville de Yamaguchi au sud-ouest du Japon offre trois pôles de plaisir : Yuda Onsen (le quartier touristique des bains thermaux), un grand centre commercial, et l’Ycam, long bâtiment argenté qui contient plusieurs espaces d’exposition et de spectacle, des ateliers, des terrasses, un espace de jeu pour enfants, un foyer, un cinéma, un restaurant, des bureaux… et la bibliothèque municipale. Il va sans dire que l’Ycam est une destination en soi.

Le fameux bâtiment. © Yamaguchi Center for Arts and Media [YCAM].

Un complexe culturel dédié aux médias

Conçu par l’architecte Arata Isozaki et ouvert en 2003, l’Ycam est à l’origine une initiative de la municipalité de Yamaguchi destinée à créer un complexe culturel dans la ville, finalement spécialisée en médias. L’Ycam est situé dans une zone de télécommunications à haut débit que partagent chaînes de télévision, radios et réseaux informatiques. Pour mémoire, le premier consultant du nouveau centre à l’ambition internationale n’était autre que le célèbre collectif Dumb Type.

Tsubasa Nishi, assistant commissaire à l’Ycam.

Aujourd’hui, l’Ycam est géré par une jeune équipe dynamique, dont Tsubasa Nishi, assistant commissaire. Cet ancien étudiant en art contemporain à l’université Tama, sous l’égide de Yuko Hasegawa, curatrice en chef du Musée d’art contemporain de Tokyo, est venu à l’Ycam pour la première fois en 2012. Il a tout fait pendant un stage de deux semaines intensifs précédant le vernissage d’une exposition, période durant laquelle il a formé des liens avec les commissaires, animateurs et techniciens du centre. Il est désormais responsable de projets, et modère les discussions entre artistes et techniciens avant leur rencontre.

Un lieu pensé pour une communication ouverte

Le grand foyer, où l’on peut découvrir aussi bien des présentations de projets de recherche qu’un concert de Ryoji Ikeda (avec spectateurs assis sur l’escalier).

Pour Nishi, l’Ycam se caractérise avant tout par la platitude du lieu : l’organisation, les rapports humains, le bâtiment lui-même.

« Ce qui m’impressionne, c’est surtout la fluidité et la polyvalence de l’espace. Il n’y a pas de hiérarchie, le concept est aussi bien physique que métaphysique. L’équipe fonctionne de manière très organique aussi, nous partageons tous un seul bureau, au même niveau, ce qui crée une ambiance agréable. Ce n’est pas seulement le résultat de nos bonnes relations, c’est inscrit dans la structure fondamentale du lieu. Tout est construit autour de la communication ouverte, de la transparence. » Tsubasa Nishi, assistant commissaire à l’Ycam

La bibliothèque municipale de Yamaguchi, au sein de l’Ycam.

Fidèle à la vision de la ville, la bibliothèque municipale de Yamaguchi est intégrée directement à l’Ycam, et occupe une partie importante de son espace ouvert et aéré où tout communique. Justement, c’est là où beaucoup de résidents commencent à découvrir le monde des arts numériques, en s’aventurant à parcourir le reste du centre et en posant des questions. C’est un atout certain pour l’équipe de l’Ycam, qui essaie toujours d’élargir le public de ses événements et activités. De l’autre côté du bâtiment, un large parc attire beaucoup de familles en fin de semaine, qu’elles viennent pique-niquer ou manger au restaurant italien situé au rez-de-chaussée.

Le Studio A, espace de spectacle ou d’exposition (450 sièges mobiles).

Des œuvres expérimentales dans un esprit open source

Malgré tout l’espace dont dispose l’Ycam, le centre n’a pas de chambres pour accueillir les artistes en résidence qui y travaillent au cours de l’année. N’importe, ils sont plutôt contents de poursuivre leur recherche tranquillement dans un centre où personne ne vient les déranger, et se régalent de rentrer le soir pour se baigner dans l’eau thermale, près de leur hôtel à Yuda Onsen. En 2008, l’Ycam avait ainsi invité trois artistes et collectifs internationaux à créer des installations et films d’animation afin d’être exposés in situ dans les endroits les plus fréquentés de Yuda Onsen.

Parmi d’autres projets commissionnés et exposés par l’Ycam depuis son ouverture, on retrouve plusieurs installations sonores et audiovisuelles de Ryoji Ikeda, Otomo Yoshihide et Ryuichi Sakamoto, des installations interactives de Carsten Nicolai et Daan Roosegaarde, des animations de Shinchika et le fameux Cloud Forest, installation de brouillard augmentée par la création sonore de Fujiko Nakaya et Shiro Takatani.

L’Ycam a même conçu une expo exprès pour les enfants en 2012. Fin janvier 2015, le centre a présenté Dividual Plays, un spectacle de danse qui donne un aperçu de la récente recherche en robotique de Yoko Ando, danseuse et chorégraphe de la Forsythe Company.

Yoko Ando (à l’écran) explique sa recherche sur des robots dupliquant en temps réel les mouvements du corps.

Bande-annonce de «Dividual Plays» (2014) :

De l’inspiration à la réalisation

Comme l’Ycam est un lieu aussi bien d’exposition que de recherche et développement, la majorité des projets présentés sont des œuvres initiées par les commissaires qui par la suite invitent des artistes à venir créer une pièce qui se sert des nouveaux outils numériques. Il leur arrive souvent aussi de travailler avec des artistes et autres programmeurs qu’ils découvrent en atelier.

« Nous développons nos propres activités, puis nous cherchons les artistes les plus adaptés à créer le projet, explique Nishi. Notre activité principale consiste à développer nous-mêmes la connaissance et la technique des outils en amont. Ici, il y a toujours, en plus des chercheurs et des commissaires, des techniciens, des ingénieurs, des programmeurs. Nous voulons partager des idées autour de ces nouvelles technologies. Il n’y a pas de stricte direction. Nous produisons des œuvres, mais les techniques de base sont open source. Ici on peut faire du prototypage très rapidement avec un cycle d’essais, c’est un bon écosystème. Le temps entre l’inspiration et la réalisation est très court. »

Mitsuhito Ando dans le fablab Edu Lab de l’Ycam.

Ce qui n’exclut pas le fablab pur et simple, baptisé en l’occurrence Edu Lab, mené par l’animateur et chercheur Mitsuhito Ando. Ici, l’obligatoire imprimante 3D, des lanternes en papier et bambou construites avec des pièces imprimées, une Kinect détournée en scanner 3D, une sculpture surréaliste créée par le fablab Hamamatsu, beaucoup de bois et même des cornes de chevreuil récupérées dans la région.

Corne de chevreuil yamaguchien.

A l’avenir, Nishi souhaite davantage de collaboration avec les citoyens, non seulement de Yamaguchi mais aussi de Hiroshima et surtout de Fukuoka, la plus grande ville de Kyushu. « Je vois quelques espaces alternatifs qui s’ouvrent, mais ils sont assez faibles et isolés. Notre centre peut faire plus, créer un réseau, stimuler et nourrir la communauté avec toutes nos ressources. C’est la prochaine étape : penser ensemble Yamaguchi et Fukuoka. »

Le site du centre Ycam

L’Ycam est ouvert au public de 10h à 22h. Fermé le mardi et jours fériés.
Entrée gratuite aux expositions.
Billets vendus sur place et en ligne pour les films et les spectacles.
Garde d’enfants disponible pour une petite somme pendant les heures d’ouverture de la bibliothèque et en soirée pendant les spectacles.
L’Ycam est accessible en fauteuil roulant. Stationnement : 170 véhicules.