Drone en approche au centre Pompidou
Publié le 27 janvier 2015 par Ewen Chardronnet
Un scénario oublié, une performeuse et un drone : pour le festival Hors Pistes 2015, Agnès de Cayeux filme en direct « Piper Malibu », une séquence d’un film à venir inspiré par le scénario SF « Un amour d’U.I.Q. » de Félix Guattari, que le philosophe n’a jamais réalisé. Dans le rôle du chef opérateur, le drone.
A l’occasion du festival Hors Pistes, l’artiste Agnès de Cayeux réalisera ce samedi 31 janvier une performance au Centre Pompidou au cours de laquelle un drone tournera en direct une séquence de son futur film, Une jeune femme vue du ciel.
S’inspirant du scénario Un amour d’U.I.Q. écrit par Félix Guattari dans les années 1980, un projet de film de science-fiction resté dans les tiroirs, Agnès de Cayeux se recentre sur Janice, personnage hanté par une histoire d’amour avec Univers Infra Quark (U.I.Q.), « identité bio-informatique infra-mince » incarnée… par un drone.
« Les projets fonctionnent souvent en rhizome (…). L’idée du drone est arrivée dans un scénario développé depuis de nombreuses années, elle n’était pas centrale au départ », dit Agnès de Cayeux, qui filmera en public à Pompidou, via l’œil caméra du drone, une séquence intitulée Piper Malibu jouée par Maëlla-Mickaëlle Maréchal.
Extrait de rush de la performance Piper Malibu :
La révolte des drones
« Le chaos, les ondes et les fréquences, l’infiniment petit analysés par Guattari, dont l’apport philosophique est au moins aussi important que celui de Deleuze, se frottent aujourd’hui à la réalité des drones. Pour le moment, ils ne fonctionnent pas encore en véritable réseau, comme un essaim, mais un jour, ils vont échapper à leurs maîtres. » Leur avenir, Agnès de Cayeux le voit d’ailleurs dans la conquête de leur autonomie.
Pour le moment, il s’agit déjà de faire voler un drone en public lors d’une performance artistique… ce qui n’est pas une mince affaire lorsque le lieu s’appelle le centre Pompidou. Si les premiers essais se sont déroulés sous un chapiteau de cirque, le dispositif a dû passer la barrière de deux tests devant la direction technique et la commission de sécurité de Beaubourg.
« Nous sommes soumis aux normes d’un musée, encore plus contraignantes que celles des salles de spectacle », explique Agnès de Cayeux qui compte sur l’habileté de son pilote, Etienne Dusard, régisseur plateau et passionné d’aéromodélisme. « Nous ne voulons prendre aucun risque, au contraire, nous sommes très attentifs aux turbulences thermiques ou aux courants d’air qui pourraient déporter le drone. » Même s’il ne s’agit que d’une brève performance comprenant une expérience de vol de 10-12 minutes associée à des projections vidéos.
Danger, drone
La dangerosité des drones, Agnès de Cayeux s’en alarme. Surtout quand ils sont vendus comme des jouets. « Il y a des gens naïfs qui ont une autre culture que celle des spécialistes, mais qui posent de bonnes questions sur l’encadrement des vols de drones, la connaissance du pilotage.»
«Au début, quand on s’y met, on se révolte un peu, on aspire à la liberté, on se dit qu’on a le droit d’être dans cet espace aérien, au même titre que Google ou Amazon qui vont finir par s’imposer. Mais finalement, non, ce n’est pas si évident, les questions vont bien au-delà d’un problème de législation.» Agnès de Cayeux
Les communautés tendent à l’autorégulation, constate l’artiste, qui n’en est pas à son premier projet avec drone. Pour elle, ces comportements rappellent ceux qui ont jalonné l’histoire du web. Ainsi, lorsque son projet de performance intégrant des vues aériennes de Paris (interdites, donc) a été posté sur le blog spécialisé Helicomicro, les réactions ont été parfois virulentes. Et pas seulement pour l’informer que la Direction générale de l’aviation civile, qui scrute tous les jours les posts du site, risquait de lui coller une amende. « Certains aspects méconnus de la législation décadrent avec la réalité, stipulant par exemple qu’il est interdit de faire passer un drone dans les nuages. « Je trouve fou qu’un homme puisse dire à un autre homme qu’il n’a pas le droit de traverser les nuages. Cette aberration, je la trouve assez belle, finalement. »
Festival Hors Pistes 2015, du 23 janvier au 15 février, Centre Pompidou.
Piper Malibu, samedi 31 janvier à 20h, petite salle, 60 mn, 4-6 €.