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Kyushu, trois fablabs sur la troisième île du Japon

Au fablab Dazaifu, sur l'île de Kyushu, au Japon. © Cherise Fong

Loin des lumières de Tokyo, des gratte-ciels d’Osaka et des temples de Kyoto, la grande île au sud de l’archipel du Japon foisonne de nouveaux fablabs. Kyushu, plus connue pour ses stations thermales (sable volcanique, boue fondante et eaux bouillantes), réserve d’autres surprises: petit tour des trois fablabs de Kyushu membres du réseau fablab Japan.

Kyushu, envoyée spéciale (texte et photos)

Fabriquer en famille à Dazaifu

Situé à quelques stations du centre d’une petite ville historique et touristique, le tout jeune fablab Dazaifu occupe un espace ouvert saturé de bois et de lumière. Le logo représente le nom japonais du lieu en caractères katakana et kanji ultra-modernes accrochés à l’entrée. Pendant que les touristes vont visiter les nombreux lieux de pèlerinage, ruines anciennes et un des trois musées nationaux du Japon, quelques résidents prennent la voie progressiste de la fabrication digitale dans ce petit lab de quartier.

Au fablab Dazaifu, ouvert en septembre 2014.

Parmi eux, le jeune Sota Hashimoto, 8 ans, qui est venu accompagné de son grand-père pour fabriquer un simple interrupteur avec une LED et un capteur de lumière. Tout seul, le garçon rassemble les éléments et demande de l’aide pour la soudure. Bientôt, la petite lampe s’allume et s’éteint à volonté sous son pouce.

Sota Hashimoto montre son projet.

Son enthousiasme est sans doute lié à la bonne influence du lieu, sous l’égide du quartier général de Elekit, le fameux fabricant japonais de kits électroniques pour enfants depuis 1974. Les machines (imprimante 3D, découpe laser, CNC, machine à coudre numérique…) et les employées à temps plein proviennent de GooDay, un grand magasin de bricolage fondé par le même homme à l’origine de Elekit. Aujourd’hui, les deux entreprises sont gérées par son petit-fils Takashi Yanase, qui a eu l’idée d’ouvrir le fablab Dazaifu en septembre 2014, inspiré par le fab concept de « fabriquer presque tout ».

Au fablab Dazaifu, les enfants utilisent l’appli Cubify Draw pour dessiner des formes simples qui seront converties en fichiers 3D imprimables.
Avec l’aide d’une médiatrice du lab, les enfants ont fabriqué des décorations de Noël qui ont été exposés à la Maker Faire Tokyo en novembre 2014.

Miki Nakazawa, fabmanager, explique que le concept fondateur du fablab Dazaifu est la récupération de matériel de toutes sortes pour l’upcycling sans contraintes, pour apprendre, faire et partager ensemble. Ito Shinichiro, ancien stagiaire au fablab Waag d’Amsterdam, est bénévole au fablab Dazaifu pour partager l’esprit DiY d’origine : « Il ne s’agit pas seulement de fabrication digitale, mais de faire. L’idée est d’intégrer la fabrication digitale à toute la culture maker. Comme Do It With Families (DIWF). »

Stimuler le quartier à Saga

En sortant de la gare de Saga, on se croirait dans une ville fantôme. Même les boutiques de la grande avenue commerçante sont fermées, et peu de piétons se promènent dans les rues. Mais à une vingtaine de minutes de marche au sud, au milieu d’une petite rue, on tombe pile poil sur la devanture accueillante du fablab Saga.

Kazuhiro Jinnouchi, fabmanager, devant le fablab Saga. 

Ce « one-man lab » est l’opération solo de Kazuhiro Jinnouchi, un enfant du quartier qui ne s’est pas résolu à voir sa rue commerçante se désertifier ces dernières années. Il s’est aperçu que les rares boutiques restantes utilisaient le même genre de panneaux, qu’ils pourraient facilement découper au laser. En tant qu’expert informatique, il connaissait le potentiel des fablabs pour attirer du monde. Il a ouvert le fablab Saga en juillet 2014.

A l’intérieur, un amateur d’aéromodélisme en bois se sert de la découpe laser pour fabriquer les différentes parties de sa dernière création, avec une précision numérique qu’il découvre pour la première fois. Jusqu’ici, il découpait le bois à la main. Il va sans dire qu’il reviendra pour ses prochains projets.

Productions du fablab Saga, imprimées sur du bois, du cuir, du métal, du plastique, des jeans…

Parmi d’autres clients de l’espace, un homme d’une cinquantaine d’années sculpte des figurines imprimées en 3D, un calligraphe professionnel conçoit des coques pour iPhone en bois découpées au laser, un professeur d’anglais fabrique des supports d’apprentissage en plastique, et d’autres enseignes locales impriment leur logo sur du cuir, des textiles, etc. Le lab dispose même d’une CNC pour le fraisage de bois recyclé.

Coque pour iPhone conçue par le calligraphe Housui Yamaguchi, habitant de Saga.
Prière bouddhiste découpée au laser en forme de mini-folio.

Plonger dans le bain communal d’Oita

Le logo du fablab Oita fait directement allusion à la réputation thermale de la région avec la marque omniprésente de la vapeur émanant du bain chaud… sauf que les effluves sortent d’un engrenage. C’est le branding du lieu jusqu’au concept du bain public, où l’on s’immerge dans un bouilli commun pour faire jaillir ensemble des bulles créatives.

Le FabLab Oita et son logo à la vapeur.

Cet après-midi, le fabmanager Daisuke Toyozumi donne un cours d’initiation à la conception et l’impression 3D pour enseignants d’enfants aveugles. Les éducateurs apprennent à fabriquer un dé à six faces et d’autres formes géométriques qui aideront les enfants à comprendre les chiffres et la simple géométrie à travers le toucher.

Daisuke Toyozumi (au fond à droite) donne un cours d’initiation à la création 3D.
L’imprimante 3D minimaliste se met en marche.

Le fablab Oita a ceci de particulier qu’il s’agit d’une initiative directe de la municipalité, qui depuis 30 ans poursuit sa mission d’introduire les nouveaux médias aux citoyens de la ville. Depuis son lancement il y a tout juste un an, le fablab compte 347 membres (sur Facebook) qui habitent partout au Japon, dont une vingtaine viennent à la réunion hebdomadaire du vendredi soir. Le lab a la chance d’être incubé dans un bloc d’entreprises informatiques appellé Softpark, situé à une petite marche de la gare. Les éducateurs du fablab Oita se déplacent aussi pour animer des ateliers dans les écoles et la communauté.

Tige de bambou découpée avec précision. L’artisanat du bambou est caractéristique de la région d’Oita.

Cependant à Fukuoka, la plus grande ville du Kyushu avec ses 1,4 millions d’habitants et son aéroport international, d’autres petits labs se dépêchent de se faire repérer, dont le fablab Fukuoka (encore en bêta) et le Hakata Zukoushitsu (salle d’artisanat de Hakata) qui collaborent de plus en plus avec les autres labs de l’île.

Rendez-vous donc les 24 et 25 janvier 2015 pour le premier Fabby Fabrication Fukuoka, auquel participent les fablabs de Fukuoka, Dazaifu, Saga, Oita, Sendai, l’université de Kyushu et FABtra, pour un week-end plein d’activités amusantes afin d’initier un grand public de makers potentiels à la culture fab pour tous.

Le site du réseau Fablab Japan