Le rétro-tech en guest star à la Maker Faire Tokyo
Publié le 28 novembre 2014 par Cherise Fong
D’un continent à l’autre, les Maker Faire se suivent… et ne se ressemblent pas. Les 23 et 24 novembre à Tokyo étaient réunis les makers japonais pour un carrousel d’inventions plus ou moins commerciales… Retour en images.
Tokyo, de notre correspondante (texte et photos)
La 10ème Maker Faire Tokyo a eu lieu les 23 et 24 novembre 2014 dans l’iconique Tokyo Big Sight à Odaiba, territoire bétonné connu pour son parc d’attractions hi-tech. Si on sentait bien l’enthousiasme toujours souriant des makers japonais, la foire avait une ambiance de salon commercial avec son hall chaud et bruyant, à mi-chemin entre le caractère Vieux-Monde du Cent Quatre à Paris et la qualité quasi-industrielle des grandes Maker Faire américaines. On y retrouvait moins les hackers et leurs détournements créatifs que des designers et des artisans, des jouets et des bijoux… En somme, la beauté avant tout.
Question technologies de l’image, autant remonter aux origines du mouvement. Le rétro-tech optique, c’est joli et ludique : Daisuke Kawauchi ne cherche pas plus à faire la révolution qu’à devenir riche avec ses petits jouets inspirés du phénakistiscope du XIXe siècle, mais il s’amuse avec élégance et raffinement. C’est effectivement l’état d’esprit de cette Maker Faire tokyoïte.
Un peu plus loin, on remonte un peu l’horloge du temps avec l’artiste Kyutyo Sato et ses sculptures kawaii inspirées du zootrope et autres jouets pré-cinématographiques. C’est exactement le même genre d’œuvre qu’on retrouve au Museum of the Moving Image à New York, ou encore au musée Ghibli, qui aident à comprendre le principe de l’animation. N’empêche que, lorsque c’est bien fait, on y voit toujours une lanterne magique. Ne pas manquer l’irrésistible clin d’œil au spectacle futuriste de Hatsune Miku, l’idole hologramme aux chansons vocaloïdes.
Passionné des objets volants et ami des chats, Toshitatsu Munakata fait régulièrement la démonstration de son chat-volant ultra-léger, équipé de deux moteurs pour contrôler les ailes et un micro-circuit qui permet de naviguer la bête avec une précision impressionnante. Tous les éléments essentiels de ses créations volantes et flottantes sont imprimés en 3D, tandis que la télécommande a tout d’une manette militaire.
Autre thème récurrent des makers de la Faire tokyoïte : les traditions et techniques ancestrales japonaises revitalisées par les nouvelles technologies. A l’instar du kendama, à nouveau très tendance un peu partout. En imprimant au laser des motifs japonais traditionnels sur ses formes cylindriques, Renoself entend lui redonner tout son luxe d’antan.
Le bois découpé au laser étant toujours à l’honneur dans les makerspaces japonais, le Wheel Stool du FabLab Sendai met en jeu une véritable étude du roulement à billes pour gagner le premier prix du concours de tabourets 2014 (Tenkaizu Budokai) du IAMAS (Institute of Advanced Media Arts and Sciences). Vous désirez menuiser votre propre tabouret à roulettes ? Il suffit de télécharger le plan sur Instructables et de vous mettre au travail.
Le stand du FabLab Sendai, dont l’atelier permanent est situé au nord-est du Japon, se présente comme un comptoir d’izakaya, ces bars à sake, l’équivalent des bière et tapas japonais. Selon Takuma Oami, habillé en chef pour l’occasion, quand ils ne sont pas en train de fabriquer des tabourets ou des tambours, les makers du FabLab Sendai ont pour spécialité de ranimer les traditions artisanales du Japon au travers des nouvelles technologies. Par exemple, la technique de vernissage urushi utilisée pour laquer le bois.
Juste à côté de l’izakaya, des enfants jouent avec un boîtier qui s’assemble comme un puzzle. Le FabLab Kamakura accorde une grande importance à l’éducation, explique Misato Komano, une des «fab instructors» du lieu, situé au sud de Tokyo. Une de leurs activités favorites, c’est justement de fabriquer des boîtiers découpés au laser pour abriter des circuits ou des gadgets (on est loin de la coque pour iPhone). Quand ils ne font pas de boîte, ils aiment construire des robots simples qui marchent avec Arduino.
Passionné des technologies de l’image 3D, de la stéréoscopie rouge-bleu jusqu’aux images de synthèse, une maker du Stereo Club Tokyo montre sa dernière création : à l’image du bon vieux View-Master en plastique rouge, ces lunettes en carton nous transportent dans un univers inattendu de réalité virtuelle.
Encore un joli boîtier en bois pour abriter un dispositif hi-tech: cette scénographie empruntée d’un patch d’oscilloscope comprend, entre autres, trois couleurs de LEDs, un ventilateur, des capteurs et un Arduino MEGA. Projet en cours de recherche.
Exemple du rétro-tech par excellence, les horloges de Akafugu, petite entreprise d’électronique à Yokohama, affichent des chiffres et des lettres avec de vieux tubes Nixie et afficheurs fluorescents VFD récupérés et recyclés en objet de design. Per Johan Groland, cofondateur norvégien de la boîte, explique que tous leurs produits sont vendus en kit sur leur site, avec instructions et éléments de base (circuits, firmware, etc.), pour fabriquer son gadget idéal. Leur philosophie? Simplifier le développement du matériel et le prototypage.
A l’autre bout du spectre des colifichets découpés au laser ou imprimés en 3D, le Tokyo Hackerspace représentait les vrais geeks de la foire, avec ses dispositifs sans glamour pour capter le passage des avions (ADS-B receiver), booster l’énergie restante d’une pile presque morte (jusqu’à 0.6V), amplifier le son d’un CD à travers une valve et un oscilloscope, etc. N’empêche, c’est un hackerspace très actif avec une communauté internationale qui apprend et qui enseigne, qui discute et collabore sur de nombreux projets.
Au FabLab Hamamatasu, au moins, on s’amuse…
Avec toutes ces technologies, comment ne pas rêver de la lune ? Hakuto est la seule équipe japonaise, et une des quatre en Asie, parmi seulement 18 au monde qui sont en compétition pour le prestigieux Google Lunar Prize 2015. Le gagnant du grand prix (20 millions de dollars) devra faire atterrir un robot sur la lune, le faire avancer de 500 mètres sur (ou sous) la surface et renvoyer des images HD. Kei Arima pense déjà que le Japon possède la meilleure technologie. Bonne chance à Hakuto !