Avec l’émergence des labs partout dans le monde apparaissent de nouveaux métiers, comme celui de « fabmanager ». Makery a souhaité faire un état des lieux de cette profession en pleine effervescence.
L’enquête de Makery
La profession de fabmanager est aussi nouvelle que les labs dans le paysage industriel. Pour savoir qui ils sont, Makery s’est transformé en mini-institut de sondages… Nous avons réalisé un questionnaire portant sur le niveau d’études, le domaine professionnel d’origine, l’intitulé du poste occupé, l’ancienneté dans la fonction, la rémunération, l’âge et le sexe de ces nouveaux «forgeurs numériques». Nous avons adressé ce questionnaire aux responsables de labs français (fablab, hackerspace, makerspace… soit les labs autonomes et ouverts), en leur demandant d’y répondre anonymement et de faire tourner… Soixante-huit d’entre eux ont répondu à certaines de nos questions, permettant ainsi de dresser un état des lieux de cette profession hybride.
Le profil type du fabmanager est plutôt un homme, né en 1980, diplômé d’un Bac +4 ou Bac +5 en informatique ou en design, occupant le poste de fabmanager depuis un an et pour lequel il est rémunéré entre 1000 et 2000 euros par mois. Le portrait robot s’arrête là… Car le questionnaire témoigne surtout de la diversité de l’écosystème des fablabs, des pratiques et des profils.
La parité dans les fablabs, c’est pas pour demain…
Génération Y : 50 % de moins de 35 ans
Sans grande surprise, il ressort que le domaine professionnel prédominant est celui de l’informatique, suivi de près par le design, l’industrie et les activités artistiques. Mais certains fabmanagers viennent d’horizons bien plus inattendus comme l’agriculture, le bâtiment, la santé ou encore… le yachting !
La majorité des personnes interrogées déclare occuper un poste de fabmanager. Mais si on les cumule avec les fonctions de labmanager et fablab manager, le profil «fabmanager» représente 66% des métiers. Alors qu’on insiste souvent sur l’importance des fonctions de médiation au sein des fablabs, personne ne dit occuper un poste de médiateur. Par contre, le rôle de faciliteur revient plus fréquemment pour décrire ce rôle. Et beaucoup cumulent les casquettes de fabmanager, fondateur et directeur.
Fabmanager, le couteau suisse des labs
Alors, gestionnaire ou technicien ? Manager ou médiateur ? Difficile d’établir un portrait robot du fabmanager qui apparaît comme une profession en pleine structuration. Dans sa recette pour bien faire tourner un fablab, le MIT préconise de faire appel à deux types de profils aux compétences bien distinctes : le « champion » (dans le sens promoteur ou défenseur) et le « technical guru ». Malgré cette rhétorique du coaching, le concept traduit une réalité commune à tous les fablabs, partagés entre gestion de structure, animation des communautés et formation des usagers. Car si le «champion» court après les financeurs, le «gourou technique», plutôt profilé ingénieur, est en charge de l’opérationnel au quotidien. C’est un personne multitâche, qui doit jongler entre la maintenance, l’élaboration des projets et la formation à la fabrication numérique. Or, bien souvent toutes ces compétences fusionnent, en particulier dans les petits fablabs où le fabmanager est fréquemment le seul salarié, quand il n’est pas simplement bénévole.
51% en poste depuis moins d’un an
Un métier qui tarde à se faire reconnaître
Les missions transversales du fabmanager sont un véritable casse-tête pour les institutions qui peinent à définir le référentiel de la profession. Le portail des métiers de l’Internet du ministère de l’Economie jette dans le même sac les fonctions de « responsable de laboratoire de fabrication numérique (fabmanager), fablab manager, labmanager, fab-coordinateur, maker, coordinateur de laboratoire de fabrication numérique, animateur-ingénieur de fablab, responsable d’ateliers ouverts de fabrication numérique ou responsable de fabrication numérique ». Une litanie qui fait le grand écart entre missions de médiation et savoir-faire technique.
60% des fabmanagers ont minimum un Bac + 4
Petit dernier des exercices de style institutionnels : le métier de forgeur numérique, décrit comme l’assistant technique du fabmanager, qui a été retenu dans le cadre du dispositif « 2000 Emplois d’Avenir en Espaces Publics Numériques ». Lancé par Fleur Pellerin en février 2013, l’incitation financière pour les fablabs n’est pas négligeable : l’accueil d’un jeune de moins de 25 ans permet d’obtenir une aide de l’Etat d’un montant équivalent à 1084 euros sur une rémunération au Smic. Ce qui n’est pas anodin pour des structures qui peinent souvent à rémunérer leur personnel, comme le montre notre sondage.
50% de bénévoles, 50% de salariés
D’où les nouvelles formations sur mesure proposées en 2014 par le Carrefour Numérique de la Cité des Sciences et de l’Industrie (Universcience). Intitulée «FabManager – tuteurs forgeurs numériques», on apprend au personnel des EPN le b.-a.-ba du métier de fabmanager, mais aussi à encadrer les emplois d’avenir qu’ils ont recrutés comme forgeurs numériques. En trois jours, ça paraît quand même un peu court…
Symptomatique du flou ambiant, Pôle Emploi ne reconnaît sur son site ni la requête fabmanager, ni celle de forgeur numérique. Mais on peut les trouver via le code Pôle Emploi — dit code ROME — des… techniciens de maintenance informatique. Ce qui en dit long sur la vision institutionnelle de cette profession émergente. Du coup, les offres d’emploi circulent principalement par les communautés via les réseaux sociaux.
L’envolée des formations de fabmanager
Les formations spécifiques se multiplient. Pionnier en France sur le sujet, le FacLab – le fablab de l’Université de Cergy-Pontoise situé sur le campus de Gennevilliers — a créé 3 diplômes universitaires intitulés « Initiation à la fabrication numérique », « Métier : FabManager », et « Créer et implanter un FabLab sur son territoire ».
Plus récent, le master Foster conçu par le Centre de recherche interdisciplinaire et porté par les universités Paris Diderot et Paris Descartes explore les nouveaux modes de transmission des savoirs en s’inspirant de l’esprit des fablabs pour répondre aux besoins des nouveaux métiers type fabmanager, créateur de serious games ou encore gestionnaire de MOOC.
S’adressant aux entreprises, le makerspace ICI Montreuil lançait en octobre son Université des makers, comprenant une formation au métier de fabmanager pensée pour les entreprises souhaitant ouvrir un lab.
Méthodologie : 68 questionnaires ont été retournés suite à un appel à contribution par mail, sur Facebook et Twitter.