A Ouagadougou, les makers ont fait la révolution et achevé leur fablab
Publié le 10 novembre 2014 par Ewen Chardronnet
Le Burkina Faso a fait sa révolution « tranquille » le 30 octobre, en manifestant massivement pour obtenir le départ du président Compaoré. Depuis, le pays est officiellement en transition démocratique. Les makers du Ouagalab ont participé aux manifestations… tout en achevant les travaux du futur fablab.
Un fablab, c’est avant tout une communauté de citoyens. Quand le Burkina Faso fait sa révolution et que les citoyens sont directement impliqués, les priorités sont revues. Le Ouagalab, en plein aménagement, en a fait l’expérience ces deux dernières semaines, qui ont marqué l’histoire du Burkina Faso.
Une révolution et un chantier
On avait laissé le Ouagalab dans l’euphorie de la Kisskissbankbank bonne nouvelle de juillet, quand toute l’équipe s’activait pour avancer au plus vite le réaménagement de la cour, afin d’ouvrir le Ouagalab avant la fin de l’année et ainsi agrandir la communauté. Cour débarrassée, mur cassé, portail en métal installé: les photos sur leur page Facebook montrent l’avancée du chantier et sont commentées avec enthousiasme. L’idée de réhabiliter la case existante par une toiture en tongs a finalement été remplacée par la construction d’un local en terre crue, futur nid douillet des projets de l’équipe, en cohérence avec le patrimoine architectural burkinabé.
Mais alors que des maçons spécialistes de la construction en terre crue de l’association La voûte nubienne s’affairaient à la confection des briques du Ouagalab, la tension montait dans tout le pays. La révolte latente depuis des mois n’était plus très loin. Pas un jour ne passait sans appels à manifester émanant de makers ou de posts de mécontentement face à la volonté de Blaise Compaoré, président depuis 27 ans, d’instaurer une modification de la Constitution pour briguer un cinquième mandat. C’est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres et fait sortir dans la rue des milliers de Burkinabés en colère, comme en témoigne en temps réel le journal local Burkina24.
Pause nationale
Kisito Gamene, membre actif du Ouagalab, à peine revenu d’une formation de cartographie en Côte d’Ivoire, explique: « Oui je suis rentré au pays, mais la situation de ma nation m’inquiète… Blaise veut s’accrocher au pouvoir mais rien ne va. » Les esprits sont occupés par la grande manifestation prévue le jeudi 30 octobre au matin devant l’Assemblée nationale où doit se dérouler le fameux vote.
Les briques sèchent mais les travaux sont suspendus. Les makers ont rejoint la grande marche. Selon Gildas Guiella, co-fondateur du Ouagalab, « on n’est pas en sécurité ici, j’entends des coups de feu ». La matinée a été particulièrement mouvementée : le Parlement a été brûlé et le gouvernement dissous. Le soir même, Blaise Compaoré démissionne.
Nettoyer, balayer, cimenter
Une semaine après les événements, la situation semble stabilisée. Le 7 novembre, l’heure est au grand nettoyage de la ville grâce à une forte mobilisation de la population. Le coup de balai se passe dans la rue, mais aussi dans la cour du Ouagalab, où les briques sont fin prêtes et les murs entamés. Le chantier reprend donc de plus belle le samedi 8 novembre, avec la construction de la première voûte.
Alors que Ouagadougou retrouve son calme, au Ouagalab, la toiture est achevée le 8 novembre au soir, après une quinzaine de jours de travaux, que la révolution aura tout de même ralentis. L’équipe a fait le choix de s’investir sur tous les fronts : une partie sur le chantier, l’autre à nettoyer les rues.
Un géographe OpenStreetMap particulièrement activiste résume la détermination qui caractérise la jeune communauté du Ouagalab : « Après la révolution foudroyante de la jeunesse consciente du “pays des hommes intègres”, l’heure est à la reconstruction. Et le Ouagalab est l’exemple de la renaissance de la jeunesse du Burkina Faso qui a décidé de marcher ensemble. Ouagalab même vision, même combat. Notre patrie est notre bien commun, marchons ensemble et nous irons loin. »