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Les biohackers débarquent à la compétition mondiale de biologie iGEM

Réunion iGEM à Baltimore en mai 2014. © Aurélien Dailly

Fabriquer des machines biologiques inédites, c’est le défi que relèvent chaque année des équipes d’étudiants du monde entier. Pour les 10 ans de cette (d)étonnante compétition, du 30 octobre au 3 novembre, l’IGEM ouvre ses portes aux artistes et « labos communautaires ». Aurélien Dailly et Quitterie Largeteau en rendront compte pour Makery.

A partir du 30 octobre, le Hynes Convention Center à Boston accueillera la finale de la compétition internationale de biologie synthétique IGEM (International Genetically Engineered Machine). L’Amérique du Nord, l’Amérique latine, l’Asie et l’Europe seront au rendez-vous. Au total, pas moins de 245 équipes s’apprêtent à se retrouver et présenter les projets sur lesquels ils planchent depuis plusieurs mois.

IGEM, une compétition de Lego pas comme les autres

La compétition IGEM nous vient tout droit du MIT. Depuis deux ans, depuis Cambridge, aux Etats-Unis, elle s’en est détachée pour adopter le statut d’organisation à but non lucratif à vocation éducative et scientifique, explorant l’attractif champ de la biologie synthétique, qui organise annuellement un concours pour les étudiants en biologie partout dans le monde.

Souvenez-vous de cette douce période où vous ne pouviez retenir votre excitation lors de l’ouverture du dernier coffret Lego. Vous commenciez à assembler les différentes briques laissant surgir le magnifique bateau pirate de vos rêves. A peu de choses près, la biologie synthétique, c’est ça, avec les mêmes étincelles brillant dans les yeux des constructeurs. Sauf que ces Lego ne sont pas en plastique, mais faits d’ADN, et que le coffret est un congélateur !

La biosynthétique s’amuse (aussi) avec de vrais Lego. © Aurélien Dailly

Ces « biobricks » comme on les appelle dans le jargon, se combinent à souhait dans un organisme, type bactérie ou levure, créant ainsi un nouveau système biologique. De bactéries productrices de pigments à celles détectant la présence de mercure dans l’eau, le design de biocapteurs est de plus en plus à la portée de tous.

Le précieux congélateur où sont stockés les biobricks dans les locaux d’IGEM à Cambridge, en mai 2014. © Aurélien Dailly

Une des particularités de la compétition IGEM, collaborative et ouverte, réside dans la documentation des projets effectués par chaque équipe et leur partage sur des wikis dédiés, le tout en accès libre. D’une année sur l’autre, les équipes peuvent ainsi s’appuyer sur les protocoles précédemment établis pour développer leurs propres stratégies. On peut néanmoins regretter que l’accès au « congélateur » soit réservé aux seuls participants à l’IGEM.

2014, des biohackers dans la compétition IGEM

Les domaines d’application de la biologie synthétique sont variés. En témoignent les différentes sections proposées lors de la compétition: alimentation, environnement, énergie, santé, art et bien d’autres. Parmi elles, une petite nouvelle a su se faufiler dans la programmation: la catégorie « laboratoires communautaires ».

Lors des pérégrinations de Biohacking Safari au printemps dernier (le projet de documentation des biohacklabs parrainé par la Paillasse, ndlr), les cerveaux étaient déjà en ébullition de Victoria en Colombie Britannique à San Francisco, sans oublier la côte Est, de Boston à Baltimore en passant par New York City.

Une équipe des biohackerspaces CounterCultureLabs et BioCurious, localisés dans la baie de San Francisco, s’apprête ainsi à présenter un projet de fabrication de fromage plutôt original. Grâce à un système de levures synthétisant des caséines, protéines constitutives du lait, ils ont réussi la fabrication d’un substitut au liquide blanc. Soumis ensuite aux étapes classiques de fabrication de fromage, le Real Vegan Cheese Project se veut une alternative à la production fromagère animale.

L’Europe aura elle aussi son équipe en provenance d’un laboratoire communautaire, le London Biohackspace, autour du projet JuicyPrint. Imaginez des bactéries qui se multiplient tranquillement dans un jus de fruits préparé tout comme il faut… Placées sous une source lumineuse, elles deviennent capables de produire de la cellulose. Ce système confectionné pour l’occasion n’est autre qu’une nouvelle forme d’impression 3D biologique.

Démonstration du JuicyPrint au festival du film d’art et science biofiction à Vienne. © Aurélien Dailly

De multiples projets scientifiques et artistiques explorant la biologie synthétique, ses applications et implications. Un mélange de chercheurs, étudiants, artistes, designers, biohackers venus de tous horizons. Une compétition. Le cocktail de cette fin de semaine s’annonce pétillant. A suivre…

« E.Chromi », le projet de l’équipe IGEM de l’Université de Cambridge, promotion 2009

« Fight Tuberculosis with modern weapons », wiki du projet de l’équipe du Centre de recherches interdisciplinaires Paris Bettencourt, promotion 2013

La couverture de l’IGEM par le Biohacking Safari a été financée en crowdfunding. Tout savoir sur leur  campagne KissKissBankBank.

Aurélien Dailly (@dailylaurel) et Quitterie Largeteau (@QuitterieL) se sont rencontrés à La Paillasse, biohacklab parisien. Lui, h/maker, photoreporter; elle, biologiste, pro open science et communicante des sciences. Ensemble, ils portent aujourd’hui le projet Biohacking Safari dont la mission est d’explorer, connecter et raconter les pratiques de biologie ouverte à travers le monde.