A Aix-en-Provence, le festival d’arts multimédias Gamerz fête du 2 au 12 octobre sa dixième édition en tablant une fois de plus sur la bidouille et le DiY. Et ça lui réussit plutôt bien.
(Aix-en-Provence, envoyée spéciale)
Gamerz, le festival numérique aixois qui jongle entre arts multimédias, expérimentations sonores et jeux vidéos, le tout saupoudré d’art contemporain, a ajouté cette année au programme de sa dixième édition, du 2 au 12 octobre 2014, un zeste d’impression 3D, une pincée de hacking et quelques plaisirs simples DiY. Revue des projets où l’esprit maker tient le haut du pavé.
Hacking urbain
Point central de la programmation, le FAT Lab et son exposition collective LikeJackin au sein de l’école des beaux arts d’Aix. D’origine new-yorkaise, le Free Art And Technology, au croisement de l’open culture et de l’open source, regroupe depuis 2007 des artistes, des développeurs et des scientifiques, utilise les licences libres émergentes et ouvre la réflexion sur la culture du secret et du détournement pour mettre à mal le monopole induit par les droits d’auteurs et les brevets. Les deux derniers membres français à avoir rejoint le FAT, David Renault et Mathieu Tremblin, qui sévissent généralement sous leur pseudonyme des Frères Ripoulain, se sont vus confier le commissariat de l’expo. Logique, le hacking urbain n’a plus de secrets pour eux et la sélection des œuvres s’en ressent.
David Renault, du FAT Lab, présente Ward Zone, installation de néons détournés conçue pour Gamerz et explique sa démarche d’artiste-hackeur urbain :
Détournement de la 3D
Autre démarche qui illustre l’esprit rebelle et bon enfant avec lequel FAT s’amuse à détourner les codes : The Englishman, une variation absurde du Liberator, le premier pistolet imprimé en 3D lancé en 2013 aux Etats-Unis. Cette arme (un authentique 9mm tout de même) qui fait l’objet d’une abondante promotion de la part des groupuscules américains de défense du port d’arme, peut être assemblée en 3D, à l’exception du percuteur. Par dérision, l’artiste en a conçu toute une série, plus inutiles les unes que les autres. que l’artiste Kyle Macdonald détourne de sa fonction belliqueuse en le ramenant à sa vacuité et en fait une théière. D’ailleurs, son Englishman n’a pas de chargeur…
Plus loin dans l’espace de l’école d’Aix, plusieurs visiteurs s’affairent, bâton de colle et ciseaux à la main. « Il faut que l’on fabrique des lunettes 2D, c’est pas si simple en fait…», explique une jeune femme qui s’évertue à coller la face rose contre sa face jaune. Pourtant, rien de bien sérieux dans le projet d’Aram Bartholl appelé Fuck 3D !!!, justement conçu pour ceux qui souffre d’une indigestion 3D et qui veulent retrouver le sensation de voir les choses en deux dimensions, tout simplement.
Pour ceux qui ne seraient pas encore allergiques à la 3D et qui demeurent perplexes quant aux bienfaits de la fabrication numérique, Gamerz organise un atelier d’initiation à l’impression et au scan 3D les mercredis de 14h à 18h tout au long de l’année au Lab Gamerz, situé dans le patio du Bois de l’Aune.
« Viridis », laboratoire à ciel ouvert
Gaspard et Sandra Bébié-Valérian d’Art-Act ont imaginé et portent depuis plus de deux ans un projet un peu fou, qu’ils ont développé ici et là, avec l’aide de makers, de spiruliniers et de game designers. Viridis est à la fois un jeu vidéo d’exploration aventure dans un monde post-apocalyptique, un jeu de gestion d’une ferme à spiruline, installée sous serre dans les Cévennes, et un espace d’expérimentation de décisions collectives à distance dans un espace communautaire. De juin à octobre 2014, Gaspard et Sandra Bébié-Valérian se sont transformés en authentiques fermiers, surveillant la spiruline, cette algue aux vertus multiples (sa culture est peu gourmande, et elle est appréciée aussi bien des sportifs que des écolo-bio), et adaptant la culture en fonction des décisions collectives prises en ligne par la communauté des joueurs de Viridis. Cette expérimentation totale (pour le jeu vidéo d’abord, pour l’idée d’une agriculture collectivement partagée, pour la relation entre le réel, Vigan, une ferme dans les Cévennes tenue par deux cultivateurs d’herbes aromatiques, et le virtuel, la communauté de quelque 1000 gamers) se décline désormais en installation : bonbonnes et bioréacteurs de spiruline et vidéos tirées du jeu permettent de se faire une petite idée de l’aventure.
Contrecarrer la propriété intellectuelle
Le Copie Copains Club (CCC) investit la fondation Vasarely. Inspirés dans le désordre par « les licences Creative Commons, les Surfing Clubs, la licence Art libre et le Mickey Club », leur objectif est de mettre en avant la copie avant l’ère Post-Internet. Leur principe : « Les copains sont libres de copier n’importe quel artiste vivant » ou encore « Les copies sont des réinterprétations de leurs originaux ». Tout ça pour dire que le CCC se veut un espace libre où chacun peut jouir librement de la copie, qu’il soit geek ou plasticien, pour questionner le rapport à la propriété intellectuelle. Quartorze artistes-copains présentent leurs copies à Vasarely qui déclinent autant de clins d’œil aux œuvres détournées, comme dans le cas de Survival of the Fittest, Graffiti (« survie du plus apte ») (2012), par le Canadien Emmanuel Laflamme, qui reprend fidèlement un Banksy de 2002.
Texte, son et photos Carine Claude
Festival des arts multimédias Gamerz #10, du 2 au 12 octobre à Aix-en-Provence.
Fondation Vasarely : expositions «Copie Copains Club» et sélection de machinimas « Machinigirrlzzz » par Isabelle Arvers
Ecole des beaux arts d’Aix-en-Provence : exposition FAT Lab, Sandra et Gaspard Bébié-Valérian, Adelin Schweitzer
Seconde Nature : installations vidéos de François Lejaut