La Friche de la Belle de Mai accueillait du 29 septembre au 4 octobre son premier festival de bidouille et de hacking, What the Flok. Artistes, chercheurs et hackers y rencontrent les «touristes» dans une joyeuse ambiance.
Marseille, de notre envoyée spéciale
Marseille n’a pas vraiment déroulé le tapis rouge pour la première édition de What the Flok (WTF), son tout nouveau festival de la bidouille, du 29 septembre au 4 octobre à la Friche de la Belle de Mai. L’ambiance est plutôt à la cool et l’organisation en mode collaboratif pour la trentaine de participants, qu’ils soient actifs dans les fablabs et les hackerspaces, artistes ou chercheurs. Au jour le jour, la petite équipe concocte des ateliers gratuits et ouverts à tous pour s’essayer à la fabrication numérique, parler vertus du DiY et réfléchir à des alternatives citoyennes.
En conférence inaugurale, Samuel T. Buschhorn, jeune chercheur au MIT (Massachusetts Institute of Technology), où il est membre du «Necstlab» (prononcez «next lab»), pose d’ailleurs la question de ce que sera la travail collaboratif d’ici 20 ans et de la transition en cours du DIY (Do it Yourself) vers le DIT (Do it Together), également appelé DiwO pour Do it with Others, en gros, le bricolage créatif multi-utilisateurs…
Le mot d’ordre de What the Flok, qui, au-delà du jeu de mot potache, signifie Free libre open knowledge, c’est faire et penser… mais sans se prendre la tête pour autant. « Au départ, nous étions partis sur l’idée d’un camp, car il n’y en avait pas à Marseille », explique Céline Berthoumieux, directrice de Zinc, l’association des arts et cultures numériques de la Friche qui co-organise l’événement avec Réso-nance et l’AMI. « Mais la Friche se prête davantage à un événement qui soit dans l’état d’esprit d’un festival. »
Un débat sur la démocratie industrielle entre deux concerts
Effectivement, l’ambiance y est festivalière. Les soirées de concerts et de performances font le plein, en alternances avec des débats publics sur les données informatiques, la démocratie industrielle et les connaissances libres. En journée, les badauds de la Friche circulent d’un atelier à l’autre, s’essayent à l’expression corporelle au Labobox (le local de musique de l’AMI à la Friche) ou au biohacking avec une pile microbienne, passent une tête au LFO (Lieu de fabrique ouvert), le fablab de la Friche qui est aussi le centre névralgique de WTF. « On a vu quelques “touristes” », dit un participant de l’atelier Documentation et fablab, organisé dans la foulée de celui qui s’est tenu à Nantes durant la Digital Week.
Pour l’atelier textile « Comment se passer d’H&M ? », des collégiens sont venus faire chauffer les Singer pour bidouiller un projet qui leur tient à cœur : coudre dans leur sac des antivols Arduino qu’ils développent avec leur prof.
Une boîte à outils numériques tractée par un vélo
A l’entrée du site, des grappes de minots s’accrochent à la « Carriole numérique », amusante boîte à outils digitale tractée par un vélo. Créé par la coopérative d’intermédiation L’Office, ce mini fablab mobile se balade partout en ville. Il est suréquipé pour sa catégorie : pico-projecteur, écrans tactiles, pocket cam, piratebox et tout ce qu’il faut pour taguer, coller, découper… Et quand il s’agit de faire du live dans les quartiers, la carriole peut même se transformer en micro plateau radio.
« Notre approche est à la fois très politique et très pragmatique sur la question du faire. » Céline Berthoumieux, directrice de Zinc
« Nous souhaitions créer un événement qui permette de réfléchir à l’articulation entre pratiques artistiques et pratiques des publics, comme nous le faisons déjà au LFO », ajoute la directrice de Zinc.
Nouvelles lutheries
Au fablab d’ailleurs, un ampli Marshall crache des sons expérimentaux pendant l’atelier de lutherie électronique. Les participants se concentrent sur le prototype du e-String, un instrument à cordes hybride électroacoustique conçu par le musicien Florent Colautti et le chercheur en interaction gestuelle Emilien Ghomi.
Emilien Ghomi, qui sévit au hackerspace parisien la Blackloop, explique : « Avec le e-String, on développe des gestuelles, des sonorités, des interactions, l’utilisation instrumentale de l’informatique pour jouer en live. Nous sommes partis du constat qu’il n’y avait presque pas de jeu en musique électro. » Hormis quelques ajustages et la finalisation des micro-bobines qui sont en train de s’imprimer en 3D, l’instrument sonne bien.
Et comme souvent avec le bricolage créatif, ce nouvel instrument fait émerger tout un tas de problématiques. « Ce projet pose des questions de fond, sur ce qu’on peut documenter en open source ou pas, sur la part du savoir-faire de celui qui va faire des réglages, sur ses choix. On cherche actuellement la bonne formule à la Blackloop. »
Expérimental et un peu foutraque, What the Flok brasse beaucoup d’expériences qui seront restituées avant la soirée de clôture, samedi 4 octobre. Au menu, concerts et improvisations avec notamment le défricheur Victor Mazon Gardoqui pour un live industrial noise, de l’électropop avec Jankkenpopp et du mélo-noise avec Bertrand Wolff (Postcoïtum).
En attendant et selon l’inspiration, les ateliers picoreront dans les bonnes idées punaisées en vrac. Pourquoi ne pas apprendre à désactiver les mouchards sur ordinateur et téléphone mobile? Ou bien savoir comment se passer de Google, IKEA ou Adobe ?
Ateliers What the Flok tous les jours de 14h à 19h, entrée libre et gratuite
Programme mis à jour sur le site de Réso-nance
Texte et photos Carine Claude