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Nantes joue la carte makers pour sa première Digital Week

DiY musical : on fait la queue à Scopitone pour dessiner puis écouter son disque Dyskograf © C. Claude

La déferlante numérique de la première Nantes Digital Week a embarqué fablabs et makers dans son sillage.

Nantes, envoyée spéciale (texte et photos)

L’esprit DiY a soufflé sur la première édition de la Digital Week nantaise, du 12 au 21 septembre. De «l’ancêtre» Scopitone, festival des arts numériques et musiques électroniques, en passant pas le symposium Digital Intelligence, l’un des quelque quarante événements de la Digital Week, le mouvement maker glisse sa spécificité un peu partout. Au menu, des dispositifs  artistiques inspirés par la bidouille et la fabrication numérique, des rencontres de l’open source, des collaborations entre artistes-makers et scientifiques, des projets de medialabs/artlabs, plusieurs hackathons, un Fablab day, un workshop Documentation et fablab… Repérages des initiatives «fab-attitude» éparpillées dans cette déferlante numérique.

De l’art numérique, mais pas que…

Point d’ancrage de la semaine, le 13e festival Scopitone organisé par Stéréolux et son fameux cocktail de performances, concerts, nuits électro et installations d’art numérique. Cette année, 14 œuvres étaient déployées partout en ville, du 15 au 21 septembre. Cédric Huchet, programmateur arts numériques, résume: « Scopitone, c’est la confrontation des publics, des propositions artistiques, le frottement des sphères de l’art, de la technologie et de la science. » Belle illustration de cet exercice d’hybridation, Eotone, installation météo cinétique et sonore de David Letellier et Herman Kolgen. Ses quatre cornes de brume gigantesques ont fait souffler les données éoliennes captées en temps réel à Nantes, Rennes, Montréal et Québec. Résultat orchestral poétique et bluffant. Explor’Nova, parcours d’expositions imaginé par le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) et le Lab Arts et Technologie de Stéréolux témoigne de la collaboration entre scientifiques et artistes, à l’instar de l’installation Molecular Cloud, qui utilise le light painting pour matérialiser les données mathématiques des nuages stellaires.

«Molucular Cloud», des artistes Elliot Woods et Mimi San avec le chercheur du CEA Vincent Minier, permet de visualiser les données abstraites de la matière première des étoiles. 

Soupoudrage DiY et remue-méninges de pointe

Sur un mode plus intuitif et amusant, plusieurs dispositifs ont fait appel à la culture DiY. A Stéréolux, les visiteurs font la queue pour tester le Dyskograf créé par Yro, Jesse Lucas et Erwan Raguenes. Le spectateur dessine au marqueur sur des disques en papier ressemblant à des vinyles. Ensuite, une caméra fixée sur le bras de lecture de la platine transforme les motifs en sons, façon boucles électro. Le public ne s’en lasse pas et repart avec son disque sous le bras.

Plus loin, un personnage au casque loufoque muni d’une caméra déambule à la rencontre des visiteurs, leur demandant de le toucher, ce qui a pour effet de libérer ses deux obturateurs oculaires. Intitulé Touchy, ce dispositif développé par Eric Siu est censé réinjecter de l’interaction sociale.

« J’ai fait mon prototype en Arduino, mais avec le succès de Touchy [ndlr : l’artiste aurait été « touché » 3.600 fois en un an ], j’ai fini par le faire fabriquer en Chine », explique l’artiste hong-kongais lors de Digital Intelligence, deuxième temps fort de la Digital Week. Organisé par l’Université de Nantes en collaboration avec Stéréolux/Scopitone, ce nouveau colloque scientifique international est dédié aux cultures numériques émergentes.

Murmurer à l’oreille des fablabs

Trois événements numériques en une semaine. Candidate au label French Tech, la ville de Nantes ne lésine pas sur les moyens. Car la labellisation lui donnerait accès à ce fonds spécifique du ministère délégué de l’Économie numérique doté de 200 millions d’euros d’investissement pour les entreprises numériques, auxquels s’ajoutent 15 millions pour soutenir en particulier… les fablabs. De quoi motiver Nantes métropole pour les mettre à l’honneur. Plusieurs rencontres ont ainsi été consacrées à l’open source, à l’open data et à la fabrication numérique.

Apo33, le lab artistique et technologique de La Fabrique a piloté toute la semaine l’atelier « Hackerspace : Apodio 10 », un workshop consacré à cette distribution multimédia Linux spécialisée dans le traitement vidéo, graphique et musical. Toujours autour de la question du libre, le Centre des expositions de Nantes métropole accueillait le 19 septembre les Rencontres régionales du logiciel libre de Nantes, tandis qu’Epitech Nantes hébergeait un hackathon de 48h sur l’opendata. Plus excentré sur le Technocampus de recherche industrielle près de l’aéroport de Nantes, le tout nouveau FabMake, opérationnel depuis le 8 septembre, organisait ses visites pour parler bienfaits du prototypage numérique et robotique pour les entreprises innovantes (on y revient vite).

Installé en plein cœur du Technocampus nantais, le FabMake a pour voisins Airbus et le CEA. 

« La documentation, c’est un peu le running gag des fablabs »

Initiative inédite : du 15 au 19 septembre, une vingtaine de praticiens de différents fablabs francophones, parmi lesquels un représentant du Woelab de Lomé et un autre du Ker Thiossane de Dakar, se sont réunis au fablab Plateforme C pour le workshop Documentation et fablab. « La documentation, c’est un peu le running gag des fablabs », dit Cédric Doutriaux, coordinateur de l’atelier et chargé de projet de PiNG. Car les usagers des fablabs butent fréquemment sur cette question : comment documenter efficacement leurs réalisations sans que cela ne devienne trop chronophage ? Et comment rendre ces documentations facilement accessibles ?

Le fablab Plateforme C en plein brainstorming pour l’atelier Documentation et Fablab.

« Personne n’a de recette universelle, il n’existe pas d’outils consensuels. Il est impossible de faire une plateforme centrale, ce n’est d’ailleurs pas souhaitable », poursuit Cédric Doutriaux. « Mais pendant le workshop, on s’est vite rendus compte que tout le monde se pose plus ou moins les mêmes questions et que tout le monde réfléchit aux mêmes solutions. »

Il s’agit pour lui de détecter les bonnes et surtout les mauvaises pratiques. Des exemples ? « Filmer une machine qui ne fait rien », ce qui semble arriver plus souvent qu’on pourrait le croire, ou encore « laisser les gens sans aide ». « C’est avant tout une question d’ontologie, d’interopérabilité informatique. On soulève aussi la question des rituels : c’est-à-dire très concrètement, comment on documente une réalisation ? À quelles étapes de la fabrication est-il intéressant de faire des photos, par exemple. » Des questions bien concrètes, mais aussi beaucoup de trucs et astuces restitués publiquement le 19 septembre et prochainement mis à disposition sur le wiki ressource www.fablabo.net.

 

Site de la Nantes Digital Week 2014

Site du festival Scopitone

Site de Digital Intelligence 2014