Un bateau-lab truffé de prototypes fait le tour de la Méditerranée
Publié le 16 septembre 2014 par la rédaction
Ce lab a bien failli couler : il y a quelques mois, le voilier naviguait à 10 kilomètres des côtes bretonnes avec un trou de 20 centimètres dans sa coque. Rencontre avec Adrien Marchandise, initiateur du Lab-REV.
Une bande de potes au pied marin
L’histoire du Lab-REV (Laboratoire de re-fit éco voile), c’est avant tout l’histoire d’une bande d’amis passionnés de voile qui, à 20 ans, regroupe 5000 euros pour s’offrir un bateau. En trois ans de navigation de plaisance, ils accumulent les avaries et les réparations. Les étudiants sont frappés par les coûts nécessaires à la moindre opération de maintenance. « On a un jour trouvé un modèle de taquet (la pièce servant à coincer une corde entre deux manœuvres, ndlr) sur le site de partage d’objets imprimables en 3D Thingiverse. Une fois imprimé dans un lab et testé, on s’est rendu compte que sa résistance mécanique était insuffisante. On l’a donc amélioré et notre modèle réalisé en PLA possède des qualités mécaniques presque similaires à celles d’un taquet acheté dans le commerce. Par contre, il nous a coûté 4 euros, contre 15 à l’achat. » L’équipage découvre alors le potentiel de la fabrication numérique pour la navigation de plaisance.
La preuve par l’exemple
En mai dernier, le bateau échoue aux tests de navigation en haute mer. « Une fissure de 20 cm ouvrait une voie d’eau à l’avant de la coque. On coulait ! On a eu le temps de faire demi-tour et de rentrer. » On parle souvent de droit à l’erreur dans les labs, « mais pour nous, cette marge d’erreur se réduit à l’épaisseur de la coque: quelques millimètres ». Suite à cette avarie trop coûteuse à réparer, l’équipage décide de racheter un deux-mâts pour 7000 euros (valeur neuf : 200 000 euros).
En mars 2014, le bateau partira de Lorient en Bretagne pour un périple de 10 000 km, sur les côtes de 8 pays, en 6 mois. Le but : prouver par l’expérience la pertinence d’associer fabrication numérique, engagement écologique et navigation de plaisance. Un mini-lab (outils de bricolage, ordinateur et imprimantes 3D) et des prototypes dédiés à la navigation prendront place à bord.
Les prototypes embarqués sont pour certains les pièces classiques d’un bateau (comme les taquets, voir l’image ci-dessus), mais aussi des sources d’énergies, des outils de cuisine, des systèmes de désalinisation d’eau, etc.
Un bateau, c’est petit, ça tangue, et c’est isolé. Autant de contraintes pour les prototypes. Ainsi, « alors que ça paraît la solution évidente, il est impossible d’embarquer un four solaire pour la cuisson des aliments. Le bateau tangue tout le temps, ce qui empêche d’exposer le four avec l’angle parfait pour concentrer les rayons du soleil », explique Adrien Marchandise. De même, une imprimante 3D ne supporte pas le tangage et le roulis incessant du bateau. « Pour ça, on travaille avec une imprimante 3D Mondrian, construite spécialement pour les milieux difficiles en mouvement. On l’a testée à bord, ça marche très bien, à condition de l’isoler des courants d’air de l’habitacle. »
Le « e » de Lab-REV signifie « écologique ». Le voyage se fera sans aucune énergie fossile. Plusieurs des prototypes embarqués produiront de l’énergie, quand d’autres serviront à la dépenser judicieusement pour la cuisine à bord, la navigation et la récolte de données scientifiques. Éoliennes, hydroliennes et panneau solaire faits maison créeront de l’énergie en complément d’un moteur à huile de friture. Pour alimenter ce moteur, l’équipage fera le tour des restaurateurs dans chaque ville-étape pour récupérer le précieux carburant.
« Là aussi nous avons un défi. Normalement cette huile doit rester immobile plusieurs jours pour décanter. Ce qui est impossible sur un bateau en mer. Nous travaillons donc à un système de centrifugeuse capable de décanter en accéléré l’huile et ne nécessitant que peu d’énergie. » Pour la cuisson, Adrien Marchandise hésite encore entre un cuit-tout de voiture (fonctionnant sur n’importe quelle alimentation 12 volts) ou sur le prototype développé par un grand-père : une cuisson sur une résistance chauffante contrôlée par ordinateur… « Notre but est de rester autonome au maximum. »
L’équipe réfléchit même à un bac à excréments pour récupérer du méthane. Le bateau pourrait embarquer (si les prototypes sont prêts dans les temps) un pilote automatique développé par Les Fabriques du Ponant (fablab, Brest), ou une station de navigation faite maison développée par un passionné d’électronique et de voile.
Enfin, le Lab-REV sera un test grandeur nature de station de mesure scientifique participative. Si ce bateau de plaisance arrive à embarquer une station de mesure de l’eau (pression, salinité, température…), alors un module intégrable sur n’importe quel bateau de plaisance pourrait devenir réalité. Une véritable mine d’or d’informations pour les océanographes, et un bon moyen de responsabiliser les plaisanciers, en joignant l’utile à l’agréable.
Le site web du Lab-REV, qui devrait bientôt lancer une campagne de crowdfunding pour boucler son budget.