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Crypter ses données dans les prés

Le 3 septembre à Paris, la Prairie des Hackers proposait une soirée cryptopartie, avec projection-débat et apéro-mix pour faire la fête autour du cryptage des données personnelles.

C’est encore l’été sur La Prairie des Hackers à La Bellevilloise. © Carine Claude

Hackivistes aguerris, militants des libertés individuelles et grand public s’étaient donnés rendez-vous à la Bellevilloise le 3 septembre en fin d’après-midi pour une Prairie des Hackers plutôt achalandée: une « chiffrofête » (un atelier cryptopartie ou un café vie privée), la projection-débat du documentaire dédié aux lanceurs d’alerte et hackers, Les gardiens du nouveau monde, et des échanges autour de la protection des données personnelles, des nouveaux espaces de citoyenneté et de l’avenir de la démocratie.

Petite mise en bouche avec « La petite crypto dans la prairie », un atelier vie privé pour apprendre à sécuriser ses communications et faire respecter son droit à l’anonymat, mené par Okhin, qui revendique l’étiquette de « crypto-terroriste » et réprouve celle de hacker. Il préfère d’ailleurs le terme de chiffrofête (contraction de chiffrement et fête) à celui de cryptopartie, « trop à la mode ». Ça tombe bien, l’ambiance est bon enfant. Pendant ces ateliers informels qui fleurissent un peu partout depuis 2012, les hacktivistes interviennent pour balayer les préjugés et partager avec le profane des outils simples pour chiffrer les échanges informatiques au quotidien. « Ces questions parlent à beaucoup de gens, c’est dans l’air du temps. Je suis heureusement surpris de voir autant de personnes autour de la soixantaine », constate Sébastien Tézé, producteur du film Les gardiens du nouveau monde à l’arrivée des premiers visiteurs.

Extrait des «Gardiens du nouveau monde», Okhin et une militante à Tunis. © Les Films d’un jour

Mamie Nova, le geek et la voisine

Très vite, la jungle artificielle de la Grrrrande prairie de la Bellevilloise est envahie par une foule insolite. PC portable à la main (comme le précisait la consigne) les futurs chiffreurs se télescopent en mode embouteillage. Les chaises manquent. Face à l’affluence d’une centaine de personnes, l’atelier se scinde en trois groupes. Pas de programme spécifique imposé par les animateurs, parmi lesquels Okhin et la journaliste Amaelle Guiton, mais des réponses au coup par coup sur la protection de la vie privée et la sécurisation des données. Les questions fusent. « Et comment j’installe une clé PGP sur Mac ? », « GPG Tools marche bien. » Quelques visages se font perplexes. Une dame au chignon bien mis prend consciencieusement des notes dans son carnet tandis qu’une jeune femme fronce les sourcils.

La discussion s’emballe sur l’art de créer un mot de passe efficace. La patience est de mise. Les animateurs-hackers ont pour mot d’ordre la pédagogie. La motivation de ces cybermilitants compose d’ailleurs la trame du documentaire projeté en avant-première le soir même, Les gardiens du nouveau monde, de Flo Laval. Au-delà de la question de la protection de la vie privée et de la défense des libertés individuelles, le rapprochement des mouvements citoyens et hacktivistes fait bouger le curseur des consciences politiques, « bien qu’il y ait encore beaucoup de fantasmes derrière tout ça », souligne un membre de Parinux (association de promotion du système d’exploitation libre Linux).

Les gardiens du nouveau monde, réal. Flo Laval, prod. Les Films d’un jour, 2014, bande annonce:

Soudain, plus d’électricité. Éclats de rire. Les participants crient au complot, tout en cherchant à se reconnecter au réseau, joliment nommé DGSI par les organisateurs. Les noms Snowden et NSA se chuchotent. Et les échanges repartent, la lumière revenue. « Je me sens directement concernée, on n’a plus besoin d’aller à l’école pour apprendre, ça se passe entre les gens », dit Hélène, la soixantaine, militante au Parti Pirate. « Je m’occupe de la neutralité du net au parti. N’en déplaise à la Quadrature du net qui n’a pas le monopole du libre », tacle-t-elle avec le sourire. « Moi, j’ai vu l’info circuler sur les réseaux », explique Minos, développeur informatique d’une trentaine d’années. « D’une manière générale, ça m’intéresse de voir comment les États utilisent les technologies pour inventer de nouvelles formes de contrôle. Je viens par curiosité, mais j’ai quelques a prioris sur le lieu. Je pense que de toute façon, la question de fond est politique. »