Le LA Biohackers grouille d’initiatives pour promouvoir la biologie DiY. S’y rencontrent autour d’expérimentations et de projets de design environnemental des adolescents et leurs parents, des chercheurs et amateurs de sciences…
Los Angeles, correspondance (texte et photos Ewen Chardronnet)
Il fait chaud à Los Angeles en cet fin d’été 2014. Il n’a pas plu une goutte de tout l’été mais la chaleur préoccupe faussement les Californiens au quotidien rythmé par les discussions autour du trafic routier et du bon fonctionnement de l’air conditionné. Au labo des LA Biohackers, dans le quartier des entrepôts désaffectés à l’est de Downtown, on parle de bien autre chose. Un groupe de passionnés discute de leur proposition pour le concours iGEM (International Genetically Engineered Machine Foundation) ouvert depuis peu aux associations non-universitaires, qui promet de nombreuses présentations de projets de biologistes DiY. Les LA Biohackers ont décidé de se consacrer à un projet de design environnemental dont ils préfèrent ne pas encore trop parler, le processus de recherche étant encore en cours. La particularité de leur biohacklab est à l’image du groupe, composé d’adultes et d’adolescents.
La biologie DIY est née en 2005, lorsque fut démontré que la purification de l’ADN était possible avec du matériel ménager simple. Le mouvement, qui a progressivement pris de l’ampleur, est devenu assez populaire en Californie grâce à la conférence Outlaw Biology Symposium organisée par l’Université de Los Angeles (Ucla) en 2010. Des lieux comme le biohackerspace BioCurious à San Francisco ont dès lors contribué à promouvoir le mouvement. C’est en suivant cette inspiration que les LA Biohackers sont nés. Installés au Null Space Labs, un hackerspace électronique qui leur avait alloué un « biocorner », les LA Biohackers s’y sont rapidement retrouvés à l’étroit, à force d’accumuler du matériel.
Dans leurs nouveaux locaux de Downtown depuis quelques mois, LA Biohackers se présente comme une organisation à but non lucratif focalisée sur des projets éducatifs et de collaboration entre personnes de tous âges dans les domaines de la biologie synthétique, de la biologie moléculaire ou de la génomique personnelle. Des sessions de hacking réunissent ses membres tous les dimanches.
Ce jour de fin d’été sont présents une quinzaine de personnes, surtout des jeunes entre 11 et 15 ans, développant des projets avec leurs parents ou d’autres adultes ayant une formation en biologie. L’ambiance est positive, c’est plutôt sympathique de voir les parents accompagner leurs enfants dans des manipulations intrigantes.
Après la réunion iGEM, trois projets sont à l’épreuve du lab. Le premier mesure le potentiel d’action ou influx nerveux d’une plante carnivore, en utilisant le kit SpikerBox de mesure de l’activité électrique conçu par le groupe de DIY Neuroscience Backyard Brains.
Chenilles et papillons. Le second évalue les effets sur la longueur des télomères (une région hautement répétitive, donc a priori non codante, d’ADN à l’extrémité d’un chromosome) de l’épigallocatéchine gallate (EGCG), un polyphénol que l’on trouve dans le thé vert connu pour ses propriétés anti-cancérigènes. Le troisième expérimente la distribution d’odeurs répulsives avec l’électrocution de chenilles et papillons, afin de vérifier si les chenilles peuvent assimiler mauvaises odeurs et douleur.
L’ambiance dans le lab est à la concentration, mais reste bon-enfant. La coordination est assurée par Cory Tobin, principal moteur des LA Biohackers. Cory organise des ateliers, des conférences et rencontres, et porte également le projet iGEM du lab. Cory plaisante en disant qu’il mène aussi « durant son temps libre » une thèse en biologie à Caltech (California Institute of Technology).
Cory est également chef de projet (on dit ici COO, pour Chief Operating Officer) d’une nouvelle initiative nommée LabLaunch. Ce projet ambitieux, porté par Llewellyn Cox, fondateur de LieuLabs (consulting et management en biotechnologie), et Ryan Bethencourt, directeur du Prix pour le développement des sciences de la vie de la fondation X-Prize, entend développer le premier incubateur indépendant en biotechnologies de Los Angeles. « Nous aurons encore beaucoup de manœuvres politiques avant d’arriver à nos fins » estime Cory. « L’Inland Empire n’est pas vraiment un territoire biotech, tout est concentré sur la Bay Area. Nous souhaitons d’ailleurs développer un projet sur le modèle de QB3 », le California Institute for Quantitative Biosciences de San Francisco. « Llewellyn veut en faire un hackubator » sourit Cory, usant d’un des derniers néologismes à la mode.
Le site des LA Biohackers, le compte Twitter des LA Biohackers