Handicap : les labs réinventent les prothèses
Publié le 29 juillet 2014 par la rédaction
Prothèses de main et de jambe, fauteuils roulants, imprimantes de braille… les projets dédiés à faciliter la vie des personnes en situation de handicap se multiplient dans les labs.
Simplicité, efficacité, et accessibilité sont les mots clés de ces recherches. Si les labs n’ont pas les équipements ni les méthodes de recherche des industriels de la santé, leur méthodologie itérative, leur approche par le cas pratique, et leur souci de reproductibilité des prototypes sont autant d’atouts pour développer des outils pour (et par) les handicapés. La plupart de ces projets visent à diviser par dix le prix des équipements. A l’exception de quelques inventeurs qui parviennent à surpasser les produits disponibles sur le marché.
Une prothèse abordable, à faire soi-même
Le Français Nicolas Huchet perd sa main à 18 ans dans un accident du travail. Le coût d’une prothèse myoélectrique, entre 15000 et 45000 euros, est exorbitant. Après avoir découvert l’impression 3D et les micro-contrôleurs open-hardware, Nicolas se fixe un but simple : créer une prothèse fiable et reproductible pour moins de 1000 euros. Le projet Bionico est lancé en 2013.
Une bonne partie du processus de développement de Bionico consiste à ne pas réinventer la roue, mais au contraire à trouver les briques déjà disponibles. Et elles sont nombreuses : la carte Arduino pour la programmation, le projet de robotique open source Inmoov pour les pièces mécaniques de la main, des capteurs musculaires DiY, mais aussi un emballage de chocolat Poulain, du fil de cerf-volant, des moteurs de modélisme… Tous les composants sont listés sur le wiki du projet.
Après un an de travail, la prothèse donne des premiers résultats encourageants. A trente ans, Nicolas Huchet est invité à réaliser des démonstrations et conférences partout dans le monde et prend un malin plaisir à serrer le plus de mains possible. Dorénavant, il s’agit d’améliorer, de perfectionner, d’optimiser les coûts aussi, pour rendre la prothèse toujours plus fiable, résistante, ressemblante, autonome… Nicolas le dit lui-même, il ne pense pas un jour pouvoir rivaliser avec les meilleures prothèses du marché. Son but est avant tout de réduire le coût de fabrication et de permettre une production personnelle pour (et par, si possible) les personnes en situation de handicap.
Le site web du projet Bionico.
Réduire les coûts du handicap
Le Waag (fablab, Amsterdam), l’hôpital de Yogyakarta en Indonésie et la Maison de la Fibre Naturelle (HONF, medialab, Yogyakarta) travaillent en coopération depuis 2009 sur le programme « Une prothèse à 50 dollars ». En développant un scanner 3D portable, le programme permet de prendre chez l’habitant les mesures volumétriques des membres qui seront nécessaires à la fabrication sur mesure des prothèses.
En Inde, I4D, le centre pour l’innovation et le développement à Vellore, développe une prothèse de main proche de celle de Nicolas Huchet, et une imprimante à braille, faite pour, avec et par des aveugles.
Steve Hoefer de Grathio Labs a créé un gant équipé de sonars pour mal-voyants. Les sonars détectent la distance qui sépare la personne non voyante de l’objet (ou du mur, de la personne…) en face d’eux et actionne un moteur appliquant au poignet une force proportionnelle à la distance. Un peu comme une canne virtuelle, mais une immense canne. Des aveugles se sont montrés intéressés et conquis par ce système. Un chien privé de sa vue équipé de l’appareil a compris son fonctionnement en une seule journée, et « ne se prenait plus les murs dans la maison » le lendemain affirme sur un forum son maître.
Du prototypage qui séduit les chirurgiens
« Sans déconner ! » (« Shut the front door! ») C’est l’avis que le docteur Albert Chi, chirurgien du John Hopkins Medical Center de Baltimore, a formulé face aux prototypes de e-NABLE, des volontaires qui développent des prothèses de main open source à 50 dollars pièce. Le docteur Chi, en plus d’être comme « un gamin dans un magasin de bonbons », a donné autant de conseils qu’il en a reçus, et s’est engagé à produire certaines des prothèses e-NABLE pour ses patients, a rapporté le site 3Dprint.com. Le faible coût et la facilité de production de ces équipements sont particulièrement intéressants pour les enfants. Comme pour les vêtements, leur croissance les oblige à changer régulièrement de prothèse.
Le récit de la rencontre sur 3Dprint.com
Dans de rares occasions, le lab surpasse l’industrie
Depuis qu’il est né, la jambe droite d’Andre Szucs s’arrête juste sous son genou. Sportif de haut niveau, il a multiplié les disciplines, les victoires, ainsi que les prothèses. C’est bien le problème d’Andre : pour chaque sport une prothèse, et des manipulations complexes pour passer de l’une à l’autre. A tel point qu’il ressent parfois davantage un handicap lié à cet aspect matériel que du fait de la réduction de sa motricité. Découvrant l’impression 3D, Andre pressent le potentiel de l’outil pour développer des pièces mécaniques de prothèse. Fin 2013, il rejoint le groupe Meetup du lab le plus proche, le Fablab de San Diego, en manifestant l’envie de se former aux technologies de conception et de fabrication numériques.
Courant 2014, il essaie enfin Gladius, son prototype de prothèse tout-terrain, pour prendre le départ… d’un triathlon, puis pour aller surfer. Un signe ne trompe pas quant à la réussite de son projet : avec la prothèse qu’il a créée au fablab San Diego, il n’a désormais plus besoin de rien d’autre que son maillot de bain pour aller se baigner. Et de ses chaussures de running pour aller courir.
Andre entend développer une activité commerciale autour de son prototype et cherche actuellement un partenaire pour réaliser les parties en fibre de carbone, « les plus difficiles à produire en série », nous explique-t-il.
Le site web du projet Gladius.
Vous trouvez ces idées irréalisables ou au contraire géniales ? Vous en connaissez d’autres ? Les commentaires sont à vous.