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El Paso, un fablab au pays du western

Le fablab s'inspire de ses voisins : un centre de lancement spatial. © DR

Le Fablab El Paso a ouvert en mars 2014 dans le quartier historique d’El Paso au Texas, où Pancho Villa achetait ses armes et où Sergio Leone situait « Et pour quelques dollars de plus ». Rencontre avec Gustavo Arriaga, co-fondateur.

El Paso, correspondance

Bienvenue au Fablab El Paso. © Ewen Chardronnet

El Paso est une ville frontière de 800 000 habitants, séparée par le Rio Grande de Juárez, la plus grande ville de l’État du Chihuahua au Mexique où vivent près de 2 millions de personnes. Trois quarts des El Pasoans sont d’origine latine. La ville montre une présence fédérale forte pour organiser son statut et ses problématiques uniques de région frontalière importante. La politique d’immigration des États-Unis a fait grimper la taille du grillage à la frontière au fil des années, dans le quartier pauvre du centre frontalier surnommé « Chihuahuita ».

Gustavo Arriaga et sa compagne Cathy Chen, après avoir plongé dans le mouvement maker, ont ouvert au printemps 2014 le Fablab El Paso, un fablab associatif qui multiplie les ateliers et les projets. Rencontre à El Paso avec Gustavo Arriaga.

Comment en êtes-vous venus à l’idée d’ouvrir un fablab à El Paso ?

Gustavo Arriaga : Cathy Chen et moi avons ouvert le fablab il y a quatre mois. De formation scientifique, j’ai fait de la recherche en neurobiologie auparavant, à la Duke University en Caroline du Nord, puis à l’université de Tokyo. Cathy a étudié le design graphique. Nous nous sommes rencontrés en Caroline du Nord. Mais c’est ici que j’ai grandi et quand nous avons eu un enfant, nous avons décidé de revenir à la maison et d’ouvrir un fablab. Nous sommes arrivés à la culture maker par la science, puisque j’avais commencé à construire mon propre matériel pour le laboratoire.

Cathy Chen et Gustavo Arriaga, fondateurs du Fablab El Paso, et leur bébé. © Ewen Chardronnet

C’était une démarche de bio-hacking ?

Je travaillais dans un labo au budget serré, beaucoup de matériel dont j’avais besoin pour mes expériences n’existait pas ou je n’avais pas les moyens de me le procurer. Après avoir pris une carte de membre d’un TechShop de Caroline du Nord, j’ai commencé par apprendre à utiliser une découpe laser, à fraiser, à imprimer en 3D. Je me suis mis à construire mon propre équipement pour le laboratoire. Et c’est comme ça que je suis tombé dans le truc ! Ensuite nous sommes partis à Tokyo, où les makerspaces pullulent. Nous avons particulièrement apprécié leur approche là-bas. Quand nous sommes revenus ici, il n’y avait pas de makerspace à El Paso, alors nous avons pensé que la ville avait besoin d’un lieu dédié.

Vous organisez un Maker Camp estival, de quoi s’agit-il ?

Nous organisons six semaines d’ateliers pour des jeunes de 8 à 17 ans, avec différents thèmes. Il s’agit de la troisième édition annuelle des Maker Camps de Make Magazine. Make Magazine nous a vraiment beaucoup soutenu depuis l’ouverture, en nous envoyant beaucoup de documentation et du matériel éducatif. Ils ont mis en place le Summer Camp en coordination avec Google+ et nous avons été sélectionnés comme site officiel cet été. Et puisque nous avons un centre de lancement spatial à proximité, nous avons commencé par un atelier de construction de fusées. Cette semaine nous construisons un projet de ruche pour abeilles, nous discutons avec des personnes dans le monde entier travaillant sur le même projet. Make et Google+ fournissent des Hang-Outs chaque jour, nous y parlons en vidéoconférence avec des structures orientées makers. Eux parlent de ce qu’ils font, nous postons des questions en ligne…

Pendant le Maker Camp, les enfants ont fabriqué un baby-foot à la découpe laser. © DR

Quel modèle financier avez-vous choisi ?

Nous sommes une organisation à but non lucratif et nous voulons être ouverts au plus large public. Nous voulons le rendre accessible à toutes les personnes qui y entrent: les gens du quartier ont de faibles revenus. Nous menons des projets sociaux de première ligne, nous organisons des workshops, nous prêtons les machines, nous proposons des cartes de membres pour le mois ou la semaine, sur le modèle des TechShops.

Pour économiser du budget, nous construisons nous-mêmes nos machines et notre mobilier, comme notre Kossel Mini, une imprimante 3D open source ou notre fraiseuse CNC BlackFoot, un projet DiY open source. Les tables et les chaises sont issues de OpenDesk.cc, qui donne des plans à télécharger. Nous avons aussi notre scanner 3D maison, nous scannons les gens et imprimons leurs scans corporels.

Un fablabber d’El Paso fraîchement imprimé. © DR

Le fablab El Paso n’est pas affilié à l’université ?

Non. Nous voulions que l’espace soit ouvert à tous. Nous avons décidé de monter un fablab associatif, parce que nous ne voulions pas qu’il soit dédié aux seuls universitaires. Nous sommes cependant affiliés au réseau fablab du MIT et nous avons les machines habituelles utilisées en fablab: imprimante 3D, découpe laser, fraiseuse de précision… Nous partageons les principes opératoires et collaborons et communiquons avec d’autres fablabs.

Quels sont vos projets ? 

Nous partageons en ce moment nos idées avec Augment El Paso (un collectif d’artistes en réalité augmentée, ndlr) pour organiser une démonstration artistique de réalité augmentée pour le symposium de recherche médicale organisé prochainement par la Medical Center of the Americas Foundation.

 Le Fablab El Paso sur la carte des labs de Makery :